samedi 23 février 2008

Levers

On trouve des jeux gratuits en flash en pagaille sur le net. Rares sont ceux qui retiennent l’attention, et plus rares encore ceux qui vous retiennent. Non seulement Levers est original, puisqu’il consiste à placer des cintres sur une balance au dessus de l’eau, mais il est en outre addictif.

C’est typiquement un concept de jeu invendable. Qui peut vouloir jouer avec cintres, sur une balance suspendue dans les airs et, allez savoir pourquoi, au dessus de l’eau. Pourtant, sans indicateur à l’écran, sans notice, le joueur découvre très vite ce qu’il faut faire : un cintre tombe du ciel, on le suspend à la balance, puis c’est au tour d’une boule de bowling, qu’on pend au cintre, puis d’une maison à oiseaux, d’un seau à déversoir, d’un avion, d’un bonhomme de neige, tous dotés de leur crochet afin de leur trouver une place dans ce ballet d’équilibristes. C’est une œuvre que ne renieraient pas les surréalistes, tant l’univers de ce jeu est improbable. Et même-moi, qui suis un partisan inconditionnel du référentiel, je ne peux m’empêcher d’être touché par la poésie qui se dégage de cet ovni.

Des oiseaux qui changent de perchoir pour fuir le curseur de la souris... et le doux bruit du ressac de l'eau.


On se surprend alors comme les enfants, à estimer quel est le plus lourd d’un bonhomme de neige qui fond, d’un seau à moitié vide (quoique à bien réfléchir il devait être à moitié plein), d’une maison à oiseau avec 3 occupants volages ou encore d’une pieuvre mécanique. Ce jeu sans but, sans fin, qui ne survivrait pas un level design en bonne et due forme, laisse perplexe tant il est séduisant. Il est stimulant de constater que grâce à Internet on ait accès à des perles de ce genre, qui n’auraient pas dépassé il y a 10 ans le stade de l’idée.

Amusant comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie.

Levers à jouer gratuitement en ligne sur Vectorpark.

jeudi 14 février 2008

La poétique du mouvement


On a droit donc à des gueulantes, des envolées lyriques, pas mal d’égo aussi mais le tout dans un langage accessible.Quel beau titre qu’à ce livre ! Ecrit par l’un de mes professeurs, j’étais curieux de connaître son contenu. On y retrouve globalement la philosophie de son enseignement et le personnage.

Au chapitre des gueulantes, j’avoue avoir été passablement rebuté. En effet, regretter que les étudiants soient mal dégrossis, me paraît stérile, surtout pour un pédagogue. Je ne crois pas que considérer les étudiants comme des imbéciles leur serve d’électrochoc. J’aurais tendance à répondre qu’ils sont ce que d’autres professeurs ont fait d’eux, tout en étant le terreau de ce que pourra y implanter l’auteur. Du coup, on ne voit pas bien à qui peut s’adresser ce livre, et on a toujours l’impression qu’on se trouve entre gens du même monde, obligés d’être déjà convaincus de ce qu’affirme M. Xavier ou de se sentir parmi les réprouvés.

Pour ce qui est des envolées lyriques, l’auteur analyse finement le mouvement chez Fernando Pessoa. C’est assez intéressant, mais j’imaginais davantage la poétique du mouvement comme une analyse de ce qui fait la poésie d’une animation plus que ce qui fait que la poésie puisse être porteuses de mouvement. On lit un peu l’inverse en décalque, mais guère qu’en pointillés.

Reste l’ego. Il fait partie du personnage, très sympathique quand on le connaît, mais il est quand même assez pénible de lire la biographie de l’auteur par lui-même ou pire la citation d’un éloge dithyrambique de sa personne dans son propre livre. Le problème restant que quand on enlève les gueulantes, le lyrisme et l’égo, il ne reste plus grand-chose…

Le carnet de l’animateur qui termine l’ouvrage est plus intéressant, même si on y trouve certaines redites avec le texte précédent. Je pense que cette manière d’écrire, par petites touches, rend davantage justice à la philosophie de M. Xavier. J’aime par exemple y lire les thèmes chers à lui, comme l’animation faite d’illusion, puisque composée d’autant d’images que d’obturations ou encore le mouvement qui précède la forme. L’auteur y analyse même la création :

« Le désir de créer n’est pas un désir innocent. Il nait d’une vision qui se nourrit du degré de connaissances acquises ou supposée que l’on a des choses. Il surgit du fin fond de la pensée satisfaisant l’égo et confirmant ainsi l’instinct de domination par la nécessité naturelle d’imposer des modèles.
Par passion l’humain aime avoir raison. »

Entre gens d’égo et de passion, je ne peux que partager son point de vue, que je trouve finement analysé. A lire par curiosité.

La poétique du mouvement suivie du carnet de l’animateur de José-Manuel Xavier, CNBDI 2003, 175 pages, 14

vendredi 8 février 2008

Introduction aux enjeux artistiques et culturels des jeux vidéo


Voici un petit livre qui se propose, après une présentation rapide de l’univers vidéoludique d’en apprécier la pratique amateur pour en fonder le caractère culturel et artistique. Or, à simplement examiner la démarche, on ne voit pas bien ce que l’on peut tirer de culturel et d’artistique d’une pratique amateur. La réponse est donnée par l’auteur dans une citation de l’ouvrage de J.M. Leveratto La mesure de l’art : « Ces anonymes contribuent à la reconnaissance sociale d’objets méprisés par les critiques d’art et les experts de la culture, du fait de leur caractéristiques peu conventionnelles. L’investissement personnel d’individus passionnés par une technique déterminée permet ainsi sa mise en forme culturelle. »

La critique principale qui me vient à l’esprit est que ce n’est pas parce que des amateurs s’intéressent à quelque chose qu’il s’agit d’un art : le football à ses amateurs, sans qu’on ne le considère comme tel ! On a un peu l’impression que la passion de l’auteur l’emporte sur la raison, sans qu’on sache pourquoi il tient tellement à ce que le jeu vidéo soit considéré comme un art. Enfin, ce qui enlève toute assise scientifique à sa démarche, c’est qu’il se garde bien de définir ce qu’est pour lui l’art ou la culture.

Autant considérer le jeu (et je dis bien le jeu, pas forcément vidéo) comme une pratique culturelle me semble aller de soi, par sa futilité et l’activité intellectuelle qu’elle requiert, autant je ne vois pas en quoi le jeu vidéo est un moyen d’expression artistique. Jusqu’à nouvel ordre créer un jeu c’est mettre le plaisir du joueur au centre de l’opération, on ne crée pas par besoin, encore moins par besoin d’expression. Sinon on écrit, on compose, on peint ou on dessine, toutes choses qui sont nécessaires au jeu vidéo, mais dont la finalité est ici ludique et non purement formelle, artistique. Encore une fois, on peut trouver de l’art dans le jeu vidéo, ce qui n’en fait pas pour autant une œuvre d’art.

Bref, lorsqu’on lâche ce livre pourtant écrit dans un langage clair et accessible, on ne sait toujours pas bien pourquoi le jeu vidéo a à ce point besoin de reconnaissance. Et pourtant, après s’être justifié que le jeu vidéo, particulièrement en multijoueur, est plus convivial que violent, l’auteur enfonce le clou en terminant sur son statut artistique. Mais n’est-ce pas faire ainsi le jeu (si je puis me permettre) de ses détracteurs, que de vouloir à tout prix en faire autre chose qu’une activité ludique ? Or, l’absolution ne viendrait-elle pas plus justement de son caractère simplement ludique ?

Ce n’est serait doute pas assez sérieux pour justifier d’en faire un sujet d’étude… Mais c’est pourtant en tant que tel que les « amateurs », tant loués par S. Genvo, l’apprécient. Que ceux qui cherchent à défendre le jeu commencent par ne pas mépriser son caractère futile, et ce support accèdera naturellement au statut de produit culturel, et qui sait un jour, peut être « plus ».

Introduction aux enjeux artistiques et culturels des jeux vidéo de Sébastien Genvo, L’Harmattan 2003, 90 pages, 9.50 €