Malheureusement, peut-être
parce que la plupart des contributions sont le fait de spécialistes des
sciences de l’éducation, la plupart des sujets ne sont qu’effleurés, outre
qu’ils ne portent pas forcément sur le jouet lui-même : les ludothèques,
l’achat, le livre animé, les jeux de simulation, le handicap, Nöel, le musée,
le parc, les collectionneurs, etc. Bref, ce n’est pas en lui tournant autour
que l’on percera à jour le jouet, pas plus que de constater son caractère
hétéroclite ne nous fait avancer vers sa compréhension ; en cela, la
contribution de Lucette Savier est patente : un inventaire à la Prévert de
paragraphes ordonnés par l’ordre alphabétique qui n’a rien à faire dans une
production scientifique. Si l’on ajoute à ces critiques celle qu’aucune
différence n’est faite entre jeu et jouet, l’impression qui domine est celle
d’un pot-pourri. Enfin, rares sont les contributions qui dépassent le stade
descriptif pour se lancer dans l’analyse, alors de là à espérer que le lecteur
puisse en tirer une synthèse… Quand un auteur ne se met pas carrément à
désinformer le lecteur par une présentation hagiographique des grands succès du
« jouet », à l’instar de Lego et du Monopoly, péchée probablement
dans les brochures publicitaires des marques respectives mais qui ne disent
rien de leur origine controversée (des copies illégales d’un jouet plus ancien).
Certes les contributions ont bien été agencées par thématique, mais cet aspect
reste essentiellement cosmétique.
Finalement, la bonne surprise
provient d’une annexe qui en brossant l’histoire du jouet au XXe siècle, les
conséquences de la 1e et de la 2e guerre mondiale sur le revirement du marché
français du jouet allemand vers le jouet américain, l’influence de la publicité
sur le pouvoir prescripteur de l’enfant et l’impérialisme du jouet industriel
donc du plastique, avec pour conséquence le déplacement naturel de sa
production vers les pays asiatiques qui vont en retour peser sur l’irruption du
jeu vidéo chez les plus jeunes, succédané du flipper des adolescents.
Finalement l’intention était bonne et réclamerait simplement un ouvrage plus
rigoureux qui fasse sien l’ambition de Gilles Brougère en conclusion de son
éditorial : « A travers le
jouet, les sociétés définissent situations et actions légitimes pour l’enfant.
Cet objet apparaît profondément paradoxal. Moyen d’intégration sociale que
certains vitupèrent en fonction d’une trop grande fidélité à des situations
imparfaites, il est aussi support d’évasion en tant que stimulant de
l’imagination. Renvoyant l’enfant à son enfance en le vouant au faux-semblant
et au frivole loin du vrai adulte, il est le lieu d’expériences qui le portent
à sortir de l’enfance : les thèmes illustrent le désir de grandir, d’être
adulte, mais aussi sa consommation insère l’enfant dans le monde social en en
faisant un acteur économique de plein exercice. On ne peut dissocier la
gratuité attribuée au jeu des relations du jouet avec un univers économique et
social. » (p. 12-13). Dommage qu’il ait été si peu suivi.
Le
jouet : valeurs et paradoxes d’un petit objet secret,
ouvrage collectif dirigé par Gilles Brougère, Autrement 1992, 207 pages,
épuisé.