samedi 16 juin 2007

Théoriser sa création


Tout jeu vidéo a une prémisse, un thème : c’est la pierre angulaire de la logique de création. Mais si cela est nécessaire, ce n’est pas suffisant. Par théoriser, j’entends tout ce qui s’oppose à l’empirisme, tout ce qui permet d’inscrire un jeu dans une logique globale de création. Si nombre de jeux professionnels ne respectent pas cette règle, c’est qu’ils y sont moins sensibles. En effet, c’est sur les graphismes que repose souvent la cohérence de l’univers, à laquelle s’ajoute une utilisation du temps réel qui n’incite pas à peser chaque mécanisme du jeu : les actions réussies se faisant quand vous cliquez au bon endroit, sur la bon adversaire, avec la bonne arme, etc. Le gameplay n’est donc qu’un moyen pour plonger le joueur dans cet univers, et n’est souvent pas rationalisé, comme dans un jeu tour par tour où les formules mathématiques d’équilibrage remplacent l’adresse du joueur au combat. Pourtant, temps réel ou pas, on ne peut faire l’économie de cette rationalisation.

Par exemple, l’aspect collaboratif mis en avant par nombre de jeux en lignes (chat, messagerie, guildes) peut être complété par une pression sur l’expérience, moteur le plus souvent de la progression d’un personnage, en récompensant davantage les actions de soutien (boosts, soins) que les actions de combat. On peut aussi mettre en place des paliers d’expérience pour encourager les actions mixant nouveaux joueurs aux anciens : on pénalisera ainsi l’expérience retirée à frapper un jeune joueur, et on maximisera l’expérience gagnée par celui-ci en soignant par exemple.

C’est en ayant constamment à l’esprit ce thème central, moelle épinière qui guide la logique de création, qu’on peut choisir entre ce qui est primordial, c’est-à-dire ce qui fait avancer le jeu, et accessoire, voire nuisible, à savoir ce qui ne sert pas cette logique, ou même la dessert. C’est aussi le plus sûr moyen, au prix certes de quelques efforts supplémentaires en amont de la création, d’éviter de longues phases de tests et de béta qui servent souvent non pas à corriger, mais à créer des équilibres auxquels se s’est pas donné la peine de trouver un centre de gravité. En effet, sans ligne de force, on navigue à vue, et on n’appréhende jamais la création dans sa globalité, la retouche d’un facteur du jeu conduisant à la retouche d’un autre, puis d’un autre, sans fin. Cet empirisme est particulièrement visible dans les suites de jeux à succès sensées corriger les errances d’un premier opus mal pensé.

Ce n’est qu’en se posant les bonnes questions qu’on peut trouver les réponses adéquates. Mais encore faut-il s’en poser.

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