Enfin un article qui lie le plaisir au jeu, le second étant justement issu du premier. En dépit d'un vocabulaire qui fait la part belle aux néologismes (médiété, plurivocité...), de termes grecs non translittérés (exis, auxesis, boulesis, proairesis...), à fortiori non traduits (on est entre nous, et si vous n'en êtes pas, tant pis pour vous), et d'une écriture inutilement complexe, cet article fonde un rapport original et pertinent entre les deux termes.
Certes on pourra critiquer que ni les concepts de jeu et de plaisir ne sont définis, puisqu'ils ne sont pas propres à Aristote, et que le lien fondamental du jeu et du plaisir, ne serait-ce qu'étymologique, n'est même pas soupçonné, mais ici seule la philosophie d'Aristote et le concept de juste mesure sont décortiqués. Cela n'empêche nullement l'auteur de se perdre dans les méandres de considérations transversales aussi cryptiques qu'inutiles. Enfin, l'absence de toute bibliographie autre qu'en notes, nous confirme que la philosophe ignore à peu près tout de la problématique du jeu. Pourtant, en dépit de ces quelques lacunes, qui témoignent avant tout d'une démarche philosophique et non ludologique, et peut-être grâce à elles, la thèse proposée par Marie-Hélène Gauthier-Muzellec est originale et séduisante.
En effet entre le travail et le sommeil, celle-ci place le jeu qui serait donc la juste mesure de l'activité humaine, à la fois plaisante, donc reflet de la nature profonde de l'homme, et intellectuelle, donc participant à son élévation culturelle. Activité esthétique, à la fois complémentaire et à mi chemin de l'éthique et de la morale, elle permet à l'homme de se réaliser pleinement, combinant désir et aspirations : "La référence au jeu, pour la praxis, comme la référence au sommeil, pour l'activité naturelle de la vision, doivent avoir une portée argumentative non négligeable. On pourrait dire dans une certaine mesure, qu'elles placent l'homme entre le plaisir et la connaissance, l'animal et la divinité, pour tisser, au centre, une aspiration médiane, celle de la praxis, qui doit à la visée d'une norme interne de n'être pas simple mouvement, et tient du plaisir l'ancrage naturel qui ferme l'accès à l'allure circulaire de l'acte pur. Ce balancement s'interrompt un moment sur la ligne de partage, la ligne du juste milieu, qui est d'abord celle de l'humanité." (p. 62)
Un article stimulant sur les fondements de la pensée occidentale concernant l'homme et son rapport au jeu.
"Du plaisir au jeu dans l'éthique à Nicomaque : une origine de la juste mesure" de Marie-Hélène Gauthier-Muzelec, Philosophie n°60, 4e trimestre 1998, épuisé.
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