Jean Verdon est un spécialiste d’histoire des mentalités, il est l’auteur d’ouvrages d’histoire médiévale sur la nuit, le plaisir, la femme ou encore le rire. Ce type d’histoire, qui fait la part belle à l’anecdote et maltraite l’espace et la chronologie est encore très contestée, touchant autant à l’anthropologie qu’à l’histoire, s’en embrasser pour autant la méthodologie de l’une ni de l’autre. Marcel Detienne, dans Comparer l’incomparable, se faisait l’écho de cette défiance réciproque entre les deux disciplines.
Où se situe le problème ? L’histoire est ici ravalée à une suite d’anecdotes supposées généralisables de fait, sans qu’aucune analyse, autre que l’analogie, ne les rattache les unes aux autres. Qu’importe le saut de plusieurs siècles en avant ou en arrière, de centaines de kilomètres entre deux témoignages, on établit une situation générale à partir de trois cas particuliers. Ainsi on joue quelque part à lancer une faucille contre un mouton jusqu’à le tuer, puis l’auteur relève une autre fois, ailleurs, que c’est contre un porc, et voici que le lecteur s’imagine que ce jeu barbare est une occupation typiquement médiévale.
S’ajoute l’absence de tout fil conducteur : les jeux ne sont pas définis, ne sont pas replacés dans la chronologie, et le chapitre est construit selon une classification qui n’est jamais discutée : la liste des Jeux de Gargantua en introduction (sans commentaire) est suivie par Les jeux de l’enfance qui se résument à un poème de Froissart sans traduction ni plus de commentaire, suivis par Les jeux d’exercice, populaires puis aristocratiques, ces derniers étant une longue description sans rapport avec le sujet de l’apparat du tournoi, suivie de sept pages en vieux français des Mémoires d’Olivier de la Marche, toujours sans commentaire ni traduction. La partie consacrée aux jeux s’achève alors avec Les jeux du dedans puis Les autres jeux puis Les professionnels. On a l’impression, ni plus ni moins, de ne lire qu’une suite déséquilibrées de fiches sans relief : 1 demi page pour les professionnels et 34 pour les jeux d’exercice.
On glanera au milieu de ce fatras seules quelques dates d’ordonnances et d’événements notables : “Le 3 avril 1369, Charles 5 interdit presque tous les jeux d’exercice ou de hasard, en particulier les dés, les tables ou les dames, la paume, les quilles, le palet, les billes et la soule ; par contre il recommande de s’exercer au tir de l’arc et de l’arbalète.” (p. 165). Sinon rien : pas de problématique, aucun renseignement sur la méthode de collecte ni de synthèse, le tout sans traduction ni analyse : le degré zéro du travail historique. Un essai anecdotique, à l’instar de son contenu.
S’amuser au Moyen Âge (1980) de Jean Verdon, Seuil 2003, pp. 153-209, 9 €.
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