Dans la veine de l'excellent ouvrage de François Pingaud, Le jeu-projet, Jean-Louis Harter propose de décomposer la notion de jeu afin de mieux la cerner. Musicologue, féru de philosophie, son approche est forcément originale et décomplexée. Loin du langage de spécialistes et du jeu théorique, son approche est directe et concrète. Empruntant au mathématicien René Thom sa théorie des catastrophes, il l'applique au phénomène ludique avec beaucoup de pertinence :
"Le désir tend à Halluciner son objet, disait Freud ; Thom radicalisera : le prédateur affamé est sa proie. (...) la fin d'une partie se confond avec une telle catastrophe de prédation : à ce moment l'incertitude se fige, et le joueur gagne - ou perd - soit directement, contre un autre partenaire, soit indirectement, contre certains éléments pertinents de la situation ludique. Bref, le joueur mange ou est mangé, et comme après cela il n'y a plus rien à gagner - ou plus rien à perdre -, il n'y a plus de jeu." (p. 36).
On peut cependant regretter que les intuitions audacieuses de l'auteur côtoient une référence indéfectible aux catégories contestables de Caillois, et que certaines réflexions soient lapidaires. De même plusieurs références à la philosophie de Kant ou de Derrida sont incompréhensibles au non initié, et la fin de l'ouvrage est moins convaincante que ses prémisses. Pourtant, en à peine 150 pages, Harter apporte un regard novateur et partages ses réflexions sur le jeu avec un enthousiasme réjouissant.
Une pensée rafraîchissante, à la fois informée et originale. Un ouvrage chaleureusement recommandé.
Le jeu : essai de déstructuration de Jean-Louis Harter, L'Harmattan 2002, 154 pages, 13.75 €.
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