Les ouvrages sur les jeux dans l'empire romain ne sont pas légion, et celui-ci, publié en 1984, fait partie des plus récents. Malheureusement, comme nombre d'ouvrages avant lui, il ne concerne que les ludi, c'est-à-dire les jeu publics et n'aborde pas les jeux privés. D'autre part, bien que publié par le CNRS, il ne comprend aucune bibliographie, aucune information sur l'auteur en quatrième de couverture, et les notes sont reléguées en fin d'ouvrage, ce qui est difficilement admissible pour un ouvrage scientifique.
Quant à la forme, la langue employée, à la fois jargonnante et relâchée, qui multiplie incises et subordonnées, est à la limite du correct et particulièrement lourde. L'auteur présente tous les travers de l'historien besogneux : le détail occulte la vue d'ensemble, nombre de références à des faits non explicités sont incompréhensibles, les redites, faute de problématique, sont légion, et on ne perçoit aucune progression dans le développement, la conclusion ce contentant d'entériner ce qui a été postulé en introduction. Enfin on cherchera en vain des références aux apports des prédécesseurs, à fortiori la discussion avec eux, et les jeux funéraires sont pratiquement passés sous silence, alors que la reprise de la thèse du sacré comme origine et creuset des jeux publics constitue l'un des axes d'analyse de l'ouvrage.
Mais si on fait abstraction de la syntaxe toute personnelle de l'auteur et de la confusion de sa pensée, certaines réflexions sont dignes d'intérêt : "Les jeux s'imposent donc comme pratiques de persuasion, comme pratique éminemment efficace sur les contradictions en tant que cadres privilégiés de continuité, dans la régularité même de leurs cycles, et comme le meilleur outil susceptible d'assurer le renouvellement des pratiques et des conceptions religieuses sur la base des traditions, qui ne peuvent être raisonnablement conçues comme vides de sens. Tout le rituel, toute la liturgie, tout le fonctionnement des jeux comme pratique efficace dans la reproduction de la communauté s'inscrivent là-contre." (p. 151). Ainsi, à la fois perpétuation des rites originels et refondation de la communauté, les jeux sont le symbole de la transgression tout en réaffirmant le cadre inaltérable de la structure sociale de l'empire. Cette contradiction, inhérente au principe ludique, devient l'instrument de l'édification du peuple romain et l'expression de la romanité même. C'est dire l'importance capitale des jeux dans la société antique.
C'est sans doute le principal mérite de l'ouvrage que de le souligner et de le démontrer.
L'empire en jeux : espace symbolique et pratique sociale dans le monde romain de Monique Clavel-Lévêque, CNRS éditions 1984, 228 pages, épuisé.
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