L'essai copieux d'Edouard Claparède (1873-1940) n'est pas exclusivement consacré au jeu, mais ce thème occupe un cinquième de cet ouvrage, paru en 1915, et l'essentiel de la partie consacrée au développement mental de l'enfant. Pour Claparède, le jeu est donc essentiel à la jeunesse, au même titre que l'apprentissage auquel il participe : "On a rendu compte du jeu en envisageant l'enfant tantôt sous l'aspect longitudinal, c'est-à-dire par rapport à ce qu'il deviendra plus tard, tantôt sus l'aspect transversal, c'est-à-dire en ne considérant que les processus qui se rencontrent chez lui dans le moment présent." (P. 449) Or "c'est en assouvissant des besoins présents que le jeu prépare l'avenir." (p. 453).
E. Claparède passe en revue les principaux thèmes liés au jeu (éducation, plaisir, réalité, finalité, fiction, activité, identité, travail, etc.) en les incluant dans une théorie générale du phénomène ludique, qui est une pédagogie de la motivation puisque l'enfant recherche "son plus grand intérêt", autrement dit son plaisir. La validité de la réflexion, rédigée dans une forme simple et élégante, tient toujours, à l'instar de la démarche de Karl Groos dont elle s'inspire, à la recherche de l'origine biologique de la conduite humaine correspondante.
Pourtant il arrive au détour d'une page que l'on tombe sur un raisonnement spécieux qui jette le discrédit sur le reste de l'ouvrage : "Ainsi les filles, qui, nous l'avons vu, parviennent plus vite à l'âge de la maturité que les garçons, payent cette précocité d'un moindre degré de développement intellectuel. Cette relation entre la moindre évolution de la mentalité féminine et la moindre extension de leur période d'enfance est du plus haut intérêt biologique." (p. 484) Au-delà de l'humour involontaire de la formule, on prend ainsi conscience que toute recherche possède, sinon des erreurs, au moins des lacunes et des insuffisances, et qu'elle est en définitive le reflet de son époque.
On conclura avec les mots de Rambert cité par Claparède : "Si le jeu parfait lui était possible, l'homme serait Dieu, et le ciel serait sur la terre." (p. 462). Or il en est du jeu comme de cet essai, et les ouvrages postérieurs, en particulier celui de Piaget, lui doivent beaucoup sans jamais avoir réussi à le remplacer.
Psychologie de l'enfant et pédagogie expérimentale (1915) d'Edouard Claparède, Kundig 1920, 571 pages, épuisé.
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