Edouard meurt, et lègue à son ami Emile une oeuvre d'art à choisir dans sa collection. Il ne doit prendre que celle qui lui plaira le plus. Il s'agit d'un dessin au trait, passablement surchargé, qui retient l'attention d'Emile. Dessin qui l'obsède au point d'en détailler les moindres éléments, puis de le faire agrandir pour découvrir d'autres dessin à l'intérieur. Le dessin est alors une porte ouverte sur l'art tout entier, entièrement contenu dans ce dessin. A moins que le sens, au contraire de Dieu, ne soit pas dans les détails ?
Comme dans la série Julius Corentin Acquefacques du même auteur, ou les oeuvres d'Escher, le jeu avec le lecteur est constant. Mais ici point de découpages ou d'illusions, mais une sorte d'ivresse des profondeurs de l'imagination : si l'art englobe tout, la réalité est donc comprise dans l'art, et non le contraire ? La création est-elle reproduction de la réalité, ou la réalité n'est-elle que la partie percevable de la création ? L'art est-il plus fort que la mort ? Ne serait-il pas un pont entre le dicible et l'indicible, et plus simplement entre les hommes ?
En reprenant l'idée du coloriage magique de notre enfance, en contraste avec la technique du noir et blanc qui lui est chère, Marc-Antoine Mathieu explore comme un thème et variations la question de la frontière entre créateur, lecteur et personnages, mais aussi entre tout et partie, fiction et réalité, vie et art, narration et jeu. Un questionnement à la fois ludique et poétique qui, à l'instar de L'art invisible de Scott McCloud, dépasse largement celui de la bande dessinée et trouve sa réponse dans un aphorisme de Soulages cité par l'auteur : "C'est ce que je trouve qui me montre ce que je cherche". Une réussite.
Le dessin de Marc-Antoine Mathieu, Delcourt 2001, 48 pages, 13.50 €.
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