mardi 3 février 2009

La civilisation chinoise

Il serait abusif de dire que l'ouvrage de Marcel Granet fait la part belle au jeu. Le mot n'apparaît même pas dans l'index de cet essai de 500 pages. De même aucune distinction nette n'est faite entre la fête, le divertissement et le jeu. En revanche les quelques pages qui traitent de la question exposent à la fois une vision traditionnelle qui montre la dimension universelle du jeu, et à la fois une vision originale, intégrée à l'instar des saisons dans la mentalité confucéenne propre à la civilisation chinoise, qui éclaire d'une lumière nouvelle notre jeu. 

Comme l'Empire romain, l'Empire du Milieu ne dissocie pas les jeux publics des jeux privés, et comme eux l'hiver, saison du désœuvrement, est celle des jeux d'intérieur, dont la fin est saluée par des fêtes : "Ces fêtes consistaient en communions, en orgies et en jeux. Après tant de jours de vie repliée, gaspillée en travaux intéressés, en pensées mesquines, un sentiment d'émulation généreuse s'emparait des foules réunies. Pour alimenter la puissance de jeu qui soudain se déclenchait en elles, tout semblait bon, tout pouvait servir à des concours joyeux, à des luttes courtoises." (p. 185).

Le sacré n'est donc jamais loin de la fête, pas plus qu'il ne l'est du jeu, ou l'affrontement des participants mime celui des saisons, et plus largement dans la pensée confucéenne, celle du principe féminin et masculin, du froid et du chaud, de la nuit et du jour, du négatif et du positif, du yin du yang : "L'efficacité des cérémonies paraissait dériver de l'opposition face à face des célébrants et de l'alternance des gestes. Là devait siéger un parti d'hôtes, ici un parti d'invités. Si les uns passaient pour représenter le soleil, la chaleur, l'été, le principe yang, les autres figuraient la lune, le froid, l'hiver, le principe yin. Avant de communier ils devaient s'affronter, alternant comme les saisons, afin que, alternant aussi, les saisons apportassent à tous la prospérité."(p.192)

Le jeu, partie prenante de  la vie, de la culture et de la spiritualité, est donc en définitive la réunion des principes fondamentaux plus que leur résolution, le lieu de l'équilibre cosmologique et de sa célébration. Intéressant, non ?

La civilisation chinoise (1929) de marcel Granet, Albin Michel 1968, pp. 183-193, 12.90 €.

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