dimanche 28 septembre 2008

Le jeu : Universalis

L'article de l'universalis consacré au jeu est une bonne illustration de ce qu'est devenu en 2008 la plus célèbre encyclopédie en langue française : un ouvrage dépassé, qui n'a d'encyclopédique que le nom. On s'attendrait en effet à avoir un tableau synthétique des principales problématiques du jeu, il n'en est rien : l'article est divisé en matières qui ne sont pas des catégories du jeu et qui, si elles se recoupent notoirement, ne communiquent jamais : Le jeu dans la société, Ethnologie du jeu, Le jeu des animaux, Le jeu chez l'enfant, Jeu et rationalité.

Leurs différents auteurs, dont la plupart ne sont pas des spécialistes du jeu, ne se sont manifestement pas lus, et pire se contredisent (par exemple sur la question du jeu des animaux). On peut également lire des débats de spécialistes qui n'intéresseront qu'eux : sous l'entrée "jeu et rationalité", une longue étude sur Caillois et Huizinga, n'a rien à faire dans un ouvrage de vulgarisation. Les digressions sont nombreuses, comme celle sur les gangs de jeunes aux Etats-Unis, pour un article qui réussit au final la performance de ne pas donner de vision d'ensemble du sujet.

La bibliographie, majoritairement du début du vingtième siècle n'a semble-t-il jamais été réellement réactualisée, s'arrêtant peu ou prou dans les années soixante-dix. Ainsi l'article de Jean chateau (mort en 1990), n'a pas été amendé depuis sa rédaction. Pire la bibliographie est majoritairement en langue étrangère (anglais, allemand, hollandais...) ce qui est surréaliste pour une encyclopédie qui a pour mission d'instruire le plus grand nombre.

L'introduction de Jean Cazeneuve (jeu et société), intéressante au demeurant même si elle n'est pas une synthèse des connaissances actuelles, aurait largement suffit, le reste des articles ne lui faisant pas écho et promouvant des thèses dépassées, qui sont loin de faire l'unanimité. L'attrait principal de l'article réside paradoxalement dans ses insuffisances : des références bibliographiques rares et exotiques qui peuvent intéresser le spécialiste... encore lui. Pour les autres je conseillerais plutôt l'article de Wikipedia, plus consensuel mais bien plus accessible.

Le jeu dans la société de Jean Cazeneuve, Ethnologie du jeu de Geza de Rohan-Csermak, Le jeu des animaux de Joëlle Payen et Georges Thinès, Le jeu chez l'enfant de Jean Château, Jeu et rationalité de Jacques Ehrmann, in Encyclopaedia Universalis volume 13, p. 23-45, prix variable.

vendredi 19 septembre 2008

Eloge de la pièce manquante


Sous ce beau titre se cache un roman original sur le puzzle. Et ce, moins par le thème, que par l'aspect parodique qui d'emblée détonne. Ma première déception passée, puisque toutes les informations ou presque concernant le puzzle sont fausses, exagérées, ou caricaturales, je suis peu à peu tombé sous le charme de se livre qui ne se prend pas au sérieux. En effet, est-ce que pour rendre hommage au jeu, jouer avec la réalité n'est pas la meilleure manière d'y parvenir ?

Composé comme un puzzle de 48 pièces (dont bien sûr la dernière est manquante... ou pas tout à fait), on suit à travers, en désordre, les minutes de la Fédération américaine de puzzle et de sa concurrente la Société de "puzzlologie", ainsi que des lettres, des extraits de traités sur le puzzle, une publicité ou encore des transcriptions de retransmissions radiophoniques, le récit abracadabrant de compétitions de puzzle de vitesse, commentées comme un match de foot, réussissant la performance impensable de réunir plus de spectateurs qu'une finale du Superbowl. Bien entendu, des meurtres spectaculaires émaillent ces rencontres, le roman se présentant comme une intrigue policière en quête de la pièce manquante.

Certes le puzzle n'est pas vraiment un jeu, mais ce roman n'est pas un véritable roman policier non plus. On s'intéresse surtout aux réflexions étonnantes sur le concept de puzzle infini, de puzzle le plus difficile du monde, l'attrait du puzzle sur l'être humain, l'existence absurde d'une configuration d'équilibre du puzzle, voire à la façon toute particulière qu'ont les Bantamolés de jouer au puzzle. Il est donc un peu dommage que l'auteur se soit senti obligé de donner une conclusion un peu forcée à un ouvrage qui n'en exigeait nullement, l'éloge perdant un peu son sens quand la pièce manquante ne l'est plus. D'autant que comme le style est parodique, on est loin de s'intéresser à l'identité de l'éventuel meurtrier qui n'est que l'un des sujets du livre.

Un roman plein de (bonnes) idées farfelues et d'inventions originales qui souffrent d'une volonté académique et pour le moins vaine de l'auteur de rattacher coûte que coûte son roman au genre policier, avec l'explication lourdaude et obligatoire en fin d'ouvrage.

Eloge de la pièce manquante d'Antoine Bello, Gallimard 1998, 325 p., 7 €