dimanche 1 mai 2011

A propos du latin ludus

Ludus, le jeu physique, qui a donné notre français "ludique", est l'une des deux racines latines du jeu, avec celle de iocus (jeu), le jeu d'esprit. Or en latin, ludus est aussi l'école. Ernout explique donc qu'on serait passé du jeu à l'école par antinomie, ce qui est peut convaincant sur un terme aussi fondamental et courant que le mot jeu. A. Yon, propose donc de lever l'antinomie en expliquant simplement que, de même que la classe signifie le lieu d'un enseignement et l'enseignement lui-même, ludus serait le lieu d'exercice (la classe) et par extension l'exercice. Il donne des citations chez les auteurs latins accréditant le terme comme entraînement ou répétition d'un acte, c'est-à-dire une imitation sans conséquence de l'acte réel, ce qui est une définition acceptable du jeu. 

Si cette version est corroborée par l'étymologie comparée du terme jeu dans d'autres langues, comme le norrois ou le gaélique qui font du jeu physique le sens premier du mot (d'autant que dans l'antiquité les ludi désignent particulièrement les jeux du cirque, physiques et violents), l'auteur expédie sans doute un peu vite une autre piste. C'est celle de scholè, le loisir, qui a donné notre français scolaire, et que A. Yon rapproche d'otium, non pas le désoeuvrement mais plutôt "les loisirs que confère l'absence ou l'interruptin de l'activité politique" (p. 390). Or si l'on considère que la société latine n'avait pas généralisé l'éducation pour tous, on peut considérer qu'un enfant qui est à l'école est d'abord un enfant qui n'aide pas ses parents au travail, il n'est donc pas en train de travailler, c'est donc qu'il joue, tout au moins qu'il occupe son temps à une activité de substitution, autre définition acceptable du jeu.

Loin de s'exclure, ces deux pistes se renforcent l'une l'autre. Et le mérite de ce court article est de poser une hypothèse, étayée par les textes anciens, qui ouvre la réflexion et le débat. On regrettera seulement que, sous prétexte qu'il s'agit d'étymologie latine, toutes les citations, grecques et latines, soient citées sans traduction. C'est sans doute aujourd'hui ce qui joue contre sa diffusion auprès des spécialistes du jeu. 

"A propos de [sic] latin ludus" de A. Yon in Mélanges de philologie, de littérature et d'histoire anciennes offerts à Alfred Ernout, Klincksieck 1940, p. 389-395, épuisé.

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