On sera peut être surpris de trouver ici une critique d’une analyse structuraliste du conte, ouvrage ancien s’il en est puisque l’édition originale remonte à 1928, mais ce petit livre, par la taille, est grand par le contenu. Abondamment cité en bibliographie des travaux sur la narration, cette œuvre est un peu le pendant sérieux de l’Oulipo (qui a fait une référence directe au conte avec Un conte à votre façon de Queneau) et de l’Oubapo, opposant l’analyse de la tradition narrative orale à la fantaisie de la prospective et des ‘exercices de style’
La structure même du conte, qui détaille la quête d’un individu obscur, ses mises à l’épreuve, sa transfiguration en héros, son combat contre le mal puis sa récompense, est le schéma de base dans lequel s’inscrivent sans le savoir la plupart des jeux vidéo. Le grand nombre de contes existant au regard de cette structure très simple est une leçon d’imagination. Mais ce n’est qu’en connaissance de ses fondamentaux : 7 personnages, 31 situations possibles, qu’il est non seulement possible de développer les ressources psychanalytiques du conte, qui me paraissent une façon très pertinente de susciter l’émotion, que d’innover à partir du cadre énoncé par Propp pour donner naissance à des contes interactifs inédits.
Mon seul regret est le couplage du livre de Propp avec un article nettement moins inspiré et plus que daté sur une hypothétique origine unique mythique du conte, assez contestable, et son rapprochement selon cette thèse du Rigveda, la plus ancienne épopée écrite connue, oubliant ainsi que la forme orale du conte est certainement fondamentale dans la fixation de sa structure et de ses motifs, comme l’a finement analysé Bettelheim par la suite. L’histoire du structuralisme, brossée en fin d’ouvrage par Meletinski, est aussi inutile qu’éprouvante à lire, ne faisant que répéter en la compliquant la thèse de Propp.
Mais cela n’en fait pas moins un ouvrage dense, à la langue simple, essentiel, qui n’a rien perdu de sa modernité. En effet, par son caractère épique, plein de rebondissements, d’épreuves et de combats, la morphologie du conte devrait être au cœur de la narration vidéoludique, et consacrer l’ouvrage de Propp comme méthode d’analyse et d’inspiration pour les game designers.
La morphologie du conte de Vladimir Propp, Seuil 1970, 255 pages, 7.50 €
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire