Si le titre est abusif, car l'ouvrage aurait dû s'intituler Recherches à propos des jeux romains, cet essai historique n'en est pas moins intéressant. Certes ce sont surtout l'introduction et plus encore la conclusions qui intéresseront les passionnés de jeux, car ces recherches n'ont aucun fil conducteur et sont parfois très éloignées du jeu. Ainsi l'étude sur un calendrier romain, qui montre une procession d'enfants, n'a rien à faire dans cet essai. D'autre part, parce qu'il s'agit d'une étude ancienne (1923) l'ouvrage s'adresse avant tout aux spécialistes d'histoire ancienne : les nombreuses citations grecques et latines ne sont pas traduites, les notes infrapaginales sont parfois plus longues que le texte lui-même. Cependant si c'est globalement rigoureux, les conjectures hardies à la limite de la spéculation et l'ouverture à un comparatisme ethnologique, plutôt inhabituel, pourront déstabiliser les puristes. Comme quoi, n'en déplaise à Marcel Detienne, tous les historiens antiques ne sont pas hostiles au comparatisme.
Concernant le plan de l'ouvrage, si André Piganiol ne traite pas des jeux privés, à la différence de Richter, il n'oublie pas le théâtre, la musique ou la danse. L'auteur explique bien en outre la différence entre les jeux publics, ceux du cirque (ludi, sans mise à mort), comme ceux de l'ampithéatre (munera, avec mise à mort) qui forment le gros de l'ouvrage. C'est par eux que l'auteur rattache les jeux à une origine religieuse, dans la conclusion de l'ouvrage qui est une très belle démonstration de la façon dont, à partir de faits disparates, un historien est capable de reconstruire les pensées et rites d'une époque : "Les jeux sont donc célébrés principalement en l'honneur des dieux infernaux, des dieux agraires, des dieux qui meurent et ressuscitent, et aussi des dieux cruels qui veulent des victimes humaines. A l'âge ou les hommes se débarrassèrent des monstres buveurs de sang qui pullulaient, c'est-à-dire de ces esprits divins ou de ces morts qui exigeaient, pour assurer leur survie, des sacrifices humains, les jeux durent remplacer les sacrifices abolis." (p. 144). (...) "Ainsi les jeux réalisent leur objet, qui est essentiellement d'empêcher le dépérissement de la nature. Ils sont au premier chef un phénomène religieux, si on définit la religion comme "un ensemble organisé de croyances et de rites qui se propose d'accroître et de perpétuer le principe de vie de l'individu, du groupe et de la nature". Les jeux sont une méthode et une technique magique pour rajeunir les morts, les dieux, les vivants et le monde entier." (p. 149)
Des articles très spécialisés, mais une synthèse stimulante de la pensée ludique romaine. A lire pour la conclusion.
Recherches sur les jeux romains d'André Piganiol, Publications de la faculté des lettres de l'université de Strasbourg 1923, fascicule 13, 150 p., épuisé.
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