L'écriture et la différence est un recueil de réflexions de Jacques Derrida publié en 1967. La structure, le signe et le jeu est à l'image de ce recueil : une réflexion libre et vagabonde sur la structure à partir des écrits de Levy-Strauss qui conduit le philosophe à penser la connaissance comme mythologie, appréhension de ce qui à la fois est et n'est pas, autrement dit un signe, universel et totalisant, avant de glisser vers le concept de finitude/incomplétude simultanée propre au jeu. Cette écriture toute en analogie, soutenue par une expression complexe, n'en rend pas la lecture aisée. Si parfois Derrida écrit avec autant de limpidité que de pénétration, comme par exemple dans le premier chapitre de Donner le temps (la fausse monnaie), ce n'est pas le cas ici, et l'intérêt de sa réflexion vient plus de ce qu'on y puise que de ce qu'on y trouve. Pour lecteur initié donc.
Sur la structure donc, Derrida s'intéresse à l'inceste car il est cité comme exception d'un système universel de pensée qu'est l'opposition de la nature et de la culture, et qui nous intéresse car on pourrait en dire autant du jeu. Cette fausse exception qui sert de généralisation conduit le philosophe à s'interroger sur l'aspect mythologique de tout connaissance prétendument universelle, qui réunit l'aspect visible, le signe donc, d'éléments contradictoires invisibles. Ce signe permet ainsi d'élaborer une grammaire à partir de bribes de connaissances. "Mais on peut déterminer autrement la non-totalisation : non plus sous le concept de finitude comme assignation à l'empiricité mais sous le concept de jeu" (p. 423). Le lien est donc fait entre le signe et le jeu, dont l'existence naît de la réunion de contraires : " Le jeu est disruption de la présence. La présence d'un élément est toujours une référence signifiante et substitutive inscrite dans un système et le mouvement d'une chaîne. Le jeu est toujours jeu d'absence et de présence, mais si l'on veut le penser radicalement, il faut le penser avant l'alternative de la présence et de l'absence ; il faut penser l'être comme présence ou absence à partir de la possibilité du jeu et non l'inverse." (p. 426).
C'est donc la contradiction, qu'elle soit originellement celle de nature et de culture, de symbole (réunion) du réel et de l'illusion, de la surabondance et du manque, ou encore de l'être et du non être, qui donne au jeu sa valeur et sa réalité. Et c'est sans doute pourquoi le jeu est si difficile à enfermer dans une définition.
La structure, le signe et le jeu de Jacques Derrida in L'écriture et la différence, Seuil 1967, p. 409-428, 8 €.
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