Représentée en 1696 et publiée l'année suivante, cette pièce peu connue mais que Voltaire plaçait à l'égal des meilleures comédies de Molière, explique peut-être son oubli par sa conclusion surprenante : ici c'est le barbon qui épouse la dame convoitée et le héros jeune et inconséquent qui est éconduit. Comédie aux vers recherchés et à l'humour raffiné, son aspect moraliste contraste avec le deus ex machina des comédies de Molière dont l'intervention aplanit les difficultés insurmontables rencontrées par les amants. Ici point de conclusion abracadabrante, mais simplement la punition logique d'une conduite condamnable malgré les efforts entrepris par tous les personnages pour amender le héros. Quant au barbon, il est plein de courtoise et homme du monde afin que les choses restent à leur place. C'est sans doute cet aspect conservateur, célébrant la supériorité de la société et de ses règles sur l'individu délétère, qui ôte au théâtre de Regnard une partie de son mordant, mais qui apparaît aujourd'hui original, voire iconoclaste.
D'autant que Valère, joueur impénitent au point de renommer son serviteur Hector, comme le valet de carreau, est le client idéal pour placer dans sa bouche quelques propos subversifs dont Regnard semble, comme Molière, régaler son public et lui avec :
"Le jeu rassemble tout : il unit à la fois
Le turbulent marquis, le paisible bourgeois.
La femme du banquier, dorée et triomphante,
Coupe orgueilleusement la duchesse indigente.
Là sans distinction, on voit aller de pair
Un laquais et commis avec un duc et pair ;
Et quoi qu'un sort jaloux nous ait fait d'injustices,
De sa naissance ainsi l'on venge les caprices."
(Acte III, scène 6, p. 69)
(Acte III, scène 6, p. 69)
Une oeuvre à l'image de son sujet, divertissante et libre, où l'auteur sous le couvert du jeu - scénique - et du genre comique fait passer un message plus insidieux qu'il ne semble, même si la réalité reprend naturellement ses droits à la fin. Réjouissant.
Le joueur de Jean-François Regnard, Larousse 1934, 123 pages, épuisé.
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