Enfin réédité, ce classique de la narratologie américaine publié pour la première fois en 1949, qui a inspiré à George Lucas sa saga de La guerre des étoiles, tente le pari d'une théorie globale de la mythologie. Une sorte de Morphologie du conte appliquée aux mythes. Cependant, à la différence de l'ouvrage de Propp, celui de Campbell n'a pas une approche formaliste, et accorde la première place à la signification profonde des mythe dans l'inconscient collectif. D'une grande qualité littéraire, l'ouvrage cite de nombreux mythe au rang desquels sont ravalés jusqu'aux religions monothéistes : christianisme, judaïsme,Islam, Bouddhisme. Cette approche novatrice montre qu'au delà des thématiques spécifiques à chaque religion, la spiritualité sous-jacente fait appel aux mêmes représentations mentales. Pour Campbell le mythe est une formalisation collective de préoccupations universelles et intemporelles.
Quand on sait le lien étroit qui rattache le jeu aux mythes antiques et particulièrement à la figure du héros (jeux olympiques, pythiques...), on ne peut être qu'intéressé par les masques que celui revêt pour nous raconter toujours différemment la même histoire, celle d'une émanation et d'une dissolution, selon les termes de Campbell, ou encore du départ, de l'initiation et du retour (l'aventure du héros, le schéma commun aux mythes). Cette trame est donc très proche des quatre étapes du schéma narratif canonique de Greimas que sont la manipulation, la compétence, la performance et la sanction. La démarche synthétique de Campbell, marquée par la psychanalyse, recompose à sa façon, parfois confuse et scientifiquement discutable, une belle histoire de la mythologie. Pourtant en partageant systématiquement ses sources littéraires avec le lecteur, l'auteur séduit plus qu'il ne convainct :
« L'objet de la mythologie véritable et du conte de fées est de révéler les dangers et les méthodes propres à l'obscure voie intérieure qui mène de la tragédie à la comédie. Cela explique pourquoi les traditions y sont fantastiques et "irréelles" : elles représentent des victoires psychologiques et non des victoires sur le plan physique. Même lorsque la légende concerne un personnage historique réel, la relation de ses exploits n'emprunte pas ses images à la vie, mais au rêve ; l'essentiel, en effet, n'est pas que tel ou tel exploit ait été accompli sur terre : l'essentiel est qu'avant que tel ou tel exploit ait pu être accompli sur terre, cet autre exploit, plus important, primordial, ait eut lieu à l'intérieur du labyrinthe que nous connaissons tous et dans lequel nous pénétrons en rêve. Le héros mythologique, à l'occasion, peut effectuer ce passage sur terre ; fondamentalement, il est intérieur et se situe dans ces profondeurs où les résistances obscures sont surmontées et où des pouvoirs depuis longtemps perdus et oubliés sont revivifiés, pour être disponibles en vue de la transfiguration du monde. »
Une belle méthaphore du combat symbolique qu'on livre par le jeu, et qui n'est autre que la résolution inconsciente de nos conflits intérieurs et de nos désirs inassouvis, fondement de la construction notre identité. Une réédition nécessaire et de qualité d'un ouvrage qui atteignait une cote indécente sur la marché de l'occasion. Stimulant et toujours d'actualité.
Le héros aux mille et un visages de Joseph Campbell, Oxus 2010, 410 p., 27 €
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