Derrière ce beau titre, se cache un livre ambigü sur la façon de conduire une recherche en sciences sociales. Ceci nous intéresse particulièrement puisque penser le jeu, c'est d'abord penser l'acte de jouer ou celui-ci se réalise, donc ses motivations et son articulation avec le joueur. Le jeu, en tant qu'activité culturelle, est une activité sociale et humaine, qu'il convient donc d'examiner à l'aune des outils développés pour les sciences éponymes.
Pourtant, au cours de cinq chapitres, le premier présentant ce qu'est une ficelle, autrement dit une manière de penser, les suivants les quatre principes de la recherche sociologique : les représentations (quelles idées je me fais de ma recherche), les échantillons (qu'est-ce que je vais précisément examiner), les concepts (qu'est-ce que je peux en retirer) et la logique (comment généraliser), on assiste à une suite de recettes pour transformer une observation non problématisée en recherche sociologique. Pour peu que la sociologie et surtout son enseignement en faculté, avec ses mémoires à rédiger et ses échantillons à sonder, vous soit étrangère, pire si vous avez été formé à la recherche scientifique en sciences fondamentales, à partir d'hypothèses, de construction d'une démonstration, d'expérimentation et de conclusions, vous risquez de passer à côté du sujet.
En effet l'auteur censé nous prendre par la main oublie le fondement même de son ouvrage : ce livre n'est pas fait pour les sociologues mais ceux qui veulent conduire une recherche en sciences sociales et qui ne connaissent pas les "ficelles du métier". Dès lors, on se serait attendu à lire le détail des objectifs et spécificités d'une recherche en sciences humaines, la façon de la conduire, les écueils à éviter, la manière de la mettre en forme et de la valoriser. A la place on se retrouve avec des considérations sociologiques (les étudiants ont tendance à faire ça) sur des outils sociologiques (interprétation de sondages quantitatifs ou qualitatifs, "substruction" de tables de vérité...) dont le rôle et les conditions d'insertion de l'outil de base dans une recherche n'est jamais expliqué ce qui rend difficile l'appréciation de la ficelle sociologique (on pourrait croire que c'est comme ça mais non c'est le contraire) qu'en extrait systématiquement l'auteur. Pire en permanence les ficelles sont seulement évoquées, plutôt que démontrées au travers d'exemples didactiques, et il faut attendre la page 267 pour voir apparaître enfin un tableau qui pose une ficelle (table de vérité) et pas seulement un discours à propos de celle-ci. La forme rend donc presque impossible l'exploitation de ce cabinet des curiosités sociologiques.
Le résultat est un livre écrit simplement, criblé de citations et d'exemples, mais qui ne s'élève jamais au-delà d'astuces de réflexions, certes censées, mais sans fil conducteur ni théorisation, ni même cas pratique, réussissant ainsi l'exploit de ne pas respecter ses objectifs de généralisation aux autres sciences humaines, d'accessibilité à un public de non spécialistes, à fortiori de guide de recherche et de réflexion. Un comble pour un auteur qui a publié "Ecrire les sciences sociales".
Si ficelles il y a, l'auteur s'y est pris les pieds.
Les ficelles du métier de Howar Becker, La découverte 2002, 354 p., 20 €.
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