Le jeu médiéval est simplement une pièce jouée. Sans intrigue, il offre ici un tableau fidèle, au moins aux yeux du public bourgeois auquel il est destiné, de la paysannerie de l’époque, représentée dans ce qu’elle a de plus rustique et de plus typique. La peinture de moeurs est ambiguë : on fait rire du peuple, mais on peint en même temps une vie simple et paisible, le seul personnage noble de la pièce, un chevalier, apparaissant comme un trouble-fête brutal puisqu’il cherche a s’emparer de Marion, la jolie bergère.
Le jeu, celui qui nous intéresse, occupe l’essentiel de la pièce, et sitôt le chevalier parti, les jeunes paysans et bergers occupent leur temps à jouer : jeux de mimes, défis, farandoles, comptines... le public ayant le plaisir d’y retrouver les divertissements traditionnels travestis de façon grotesque et potache. Il est ainsi probable que les représentations étaient l’occasion d’inviter le public à participer, transformant ce théâtre en une suite de jeux au sens premier du terme.
On apprend ainsi au cours de l’histoire la règle de plusieurs jeux, qui naturellement se prêtent au spectacle : “Quiconque rira en faisant son offrande au saint, à la place de Saint Côme devra s’asseoir, et que le meilleur gagne !” (p. 87), jeu qui n’est pas sans rappeler le jeu de l’ambassadeur ou de la barbichette, ou encore “Je veux avec Gautier Grosse Tête jouer aux rois et aux Reines, et je poserai de fines questions si vous voulez me faire roi.” (p. 93), qui trouve sa règle dans la réplique de Gautier “Volontiers, Sire. Commandez quelques chose que je puisse faire et qui ne me soit pas nuisible : je le ferai aussitôt pour vous.” (p. 97), évoquant immédiatement le jeu pré-adolescent d’action/vérité. On est alors surpris de retrouver ces jeux spontanés à des époques si éloignées sous des formes voisines.
Mais c’est peu de choses, et c’est une moisson d’autant plus maigre que la forme de la pièce est trop primaire pour satisfaire esthétiquement le lecteur contemporain.
Le jeu de Robin et de Marion d’Adam de la Halle (XIIIe siècle), Flammarion, pp. 36-129, 6.80 €.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire