Difficile de trouver un ouvrage qui porte
sur l’information qui ne soit pas estampillé « & de la communication »
ou « & de la documentation » comme si l’on ne pouvait trouver d’intérêt
à l’information qu’en vertu de sa communication ou de son insertion dans un
document. Les manuels des sciences de la documentation ont en effet la fâcheuse
tendance à considérer systématiquement l’information comme un donné, qu’il n’est
donc pas besoin de définir. Pourtant le jeu, n’est pas encore tout à fait considéré
comme un document porteur d’informations, ne serait que parce que les
ludothèques ne sont pas considérées comme des bibliothèques, et si certaines possèdent
des jeux, c’est davantage parce que leur public les plébiscitent que parce que
ceux-ci constitueraient des documents en tant que tels. A l’inverse, la science
de la communication se présentant comme une discipline universitaire transversale
qui apporte une dimension critique aux autres sciences, elle est moins
intéressée par l’information que celles-ci véhiculent que par le véhicule
lui-même. Le jeu n’est de leur point de vue pas plus pertinent que la médecine,
puisque les raisons de communiquer ne sont que des prétextes à la communication
véritable.
La jeunesse des sciences de la
communication n’est rien comparée à celles de l’information qui ne semblent
jamais exister sinon dans l’expression « société de l’information »,
ce qui est d’autant plus troublant que les sciences de l’information et de la communication
revendiquent leur statut de science sociale. On peut dire que l’auteur est un
des seuls à souligner ce paradoxe, comme si une information ne pouvait se
décréter mais seulement se constater, s’imposant par elle-même. Reste que, de
ce point de vue, la conception de cette étude est finalement très classique : « L’information est une connaissance inscrite
(enregistrée,) sous forme écrite (imprimée ou numérisée), orale ou
audiovisuelle, sur un support spatio-temporel. » (p. 6). Si sans
inscription l’information ne saurait en être une (toute performance est donc
vide de sens), alors cela revient à laisser à la technique le soin de
distinguer l’information, ce qui ne peut pas tenir. D’autant que définir l’information
par connaissance c’est substituer un mot valise à un autre, et ce malgré la
note : « Le savoir désigne un
ensemble articulé de connaissances à partir duquel une science, système de relations formelles
et expérimentales, pourra s’engendrer. »
(p. 6) Donc l’information est de la connaissance qui est du savoir qui fait
naître la science… Nous ne pouvons que donner raison à l’auteur qui introduisait
son chapitre en déclarant : « Le
développement de la science de l’information a longtemps reposé sur des
concepts ambigus, polyvalents, à la transparence trompeuse. » (p. 5).
Sauf que cet état de fait ne semble ni vouloir évoluer ni canaliser les efforts
de ses spécialistes.
La science de l’information intéresse le
jeu dans le sens où elle peut potentiellement le qualifier en tant qu’objet de
connaissance, à condition bien sûr que l’information sache s’identifier
autrement que parce qu’elle est désignée comme telle. Or, malgré une volonté de
schématisation et de classement (grandeurs mesurables de l’information que sont
le signal, le texte, le temps, la population, l’utilité [p. 55], fonctions du
modèle informationnel : heuristique (expliquer), organisationnel
(ordonner) et prédictif (formuler des hypothèses) [p. 74]…), l’ouvrage est
plein de phrases creuses alors qu’il se présente sous des dehors accessibles,
insistant outrageusement sur la technologie et la statistique, ce qui, en dépit
de ses multiples rééditions, le rend d’autant plus obsolète qu’il ignore l’essentiel
de la mobilité parce que sa dernière édition date de 2006. L’exposé sur la technologie
réseau, particulièrement indigeste, donne l’impression que l’auteur confond les
causes de la société de l’information avec son médium et sa manifestation, d’autant
que connaître les technologies réseau n’éclaire en rien sur l’information qui
transite par ses canaux, comme si croire que la connaissance des sons
renseignait sur le sens des mots. L’information se traduit certes en bits, mais
leur étude ne dit rien de l’information qui transite par eux.
Un essai dont l’approche « indépendantiste »
se justifiait pleinement, mais qui est loin d’être transformé.
La
science de l’information d’Yves-François le Coadic (1994), Paris, Presses
universitaires de France 2006, 128 pages, 9 €.
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