dimanche 19 mai 2013

La science de l’information

Difficile de trouver un ouvrage qui porte sur l’information qui ne soit pas estampillé « & de la communication » ou « & de la documentation » comme si l’on ne pouvait trouver d’intérêt à l’information qu’en vertu de sa communication ou de son insertion dans un document. Les manuels des sciences de la documentation ont en effet la fâcheuse tendance à considérer systématiquement l’information comme un donné, qu’il n’est donc pas besoin de définir. Pourtant le jeu, n’est pas encore tout à fait considéré comme un document porteur d’informations, ne serait que parce que les ludothèques ne sont pas considérées comme des bibliothèques, et si certaines possèdent des jeux, c’est davantage parce que leur public les plébiscitent que parce que ceux-ci constitueraient des documents en tant que tels. A l’inverse, la science de la communication se présentant comme une discipline universitaire transversale qui apporte une dimension critique aux autres sciences, elle est moins intéressée par l’information que celles-ci véhiculent que par le véhicule lui-même. Le jeu n’est de leur point de vue pas plus pertinent que la médecine, puisque les raisons de communiquer ne sont que des prétextes à la communication véritable.

La jeunesse des sciences de la communication n’est rien comparée à celles de l’information qui ne semblent jamais exister sinon dans l’expression « société de l’information », ce qui est d’autant plus troublant que les sciences de l’information et de la communication revendiquent leur statut de science sociale. On peut dire que l’auteur est un des seuls à souligner ce paradoxe, comme si une information ne pouvait se décréter mais seulement se constater, s’imposant par elle-même. Reste que, de ce point de vue, la conception de cette étude est finalement très classique : « L’information est une connaissance inscrite (enregistrée,) sous forme écrite (imprimée ou numérisée), orale ou audiovisuelle, sur un support spatio-temporel. » (p. 6). Si sans inscription l’information ne saurait en être une (toute performance est donc vide de sens), alors cela revient à laisser à la technique le soin de distinguer l’information, ce qui ne peut pas tenir. D’autant que définir l’information par connaissance c’est substituer un mot valise à un autre, et ce malgré la note : « Le savoir désigne un ensemble articulé de connaissances à partir duquel  une science, système de relations formelles et expérimentales,  pourra s’engendrer. » (p. 6) Donc l’information est de la connaissance qui est du savoir qui fait naître la science… Nous ne pouvons que donner raison à l’auteur qui introduisait son chapitre en déclarant : « Le développement de la science de l’information a longtemps reposé sur des concepts ambigus, polyvalents, à la transparence trompeuse. » (p. 5). Sauf que cet état de fait ne semble ni vouloir évoluer ni canaliser les efforts de ses spécialistes.

La science de l’information intéresse le jeu dans le sens où elle peut potentiellement le qualifier en tant qu’objet de connaissance, à condition bien sûr que l’information sache s’identifier autrement que parce qu’elle est désignée comme telle. Or, malgré une volonté de schématisation et de classement (grandeurs mesurables de l’information que sont le signal, le texte, le temps, la population, l’utilité [p. 55], fonctions du modèle informationnel : heuristique (expliquer), organisationnel (ordonner) et prédictif (formuler des hypothèses) [p. 74]…), l’ouvrage est plein de phrases creuses alors qu’il se présente sous des dehors accessibles, insistant outrageusement sur la technologie et la statistique, ce qui, en dépit de ses multiples rééditions, le rend d’autant plus obsolète qu’il ignore l’essentiel de la mobilité parce que sa dernière édition date de 2006. L’exposé sur la technologie réseau, particulièrement indigeste, donne l’impression que l’auteur confond les causes de la société de l’information avec son médium et sa manifestation, d’autant que connaître les technologies réseau n’éclaire en rien sur l’information qui transite par ses canaux, comme si croire que la connaissance des sons renseignait sur le sens des mots. L’information se traduit certes en bits, mais leur étude ne dit rien de l’information qui transite par eux.

Un essai dont l’approche « indépendantiste » se justifiait pleinement, mais qui est loin d’être transformé.

La science de l’information d’Yves-François le Coadic (1994), Paris, Presses universitaires de France 2006, 128 pages, 9 €.

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