Ecrit par un inspecteur
pédagogique et un professeur d’école normale (l’ancêtre des IUFM), cet essai
évite le pire : être pédant et suffisant comme l’affectionnent trop
souvent ces évaluateurs de l’Education Nationale. L’ouvrage est ainsi didactique
même si le bon sens se substitue, malheureusement trop souvent, à une analyse
informée ou une réflexion rigoureuse. En revanche, à part décerner des bons
points et des accessits, l’argumentaire se réduit à peau de chagrin, et le
présent livre s’appuie essentiellement sur l’exhortation et l’étude d’Henri
Wallon, L’évolution psychologique de
l’enfant. L’absence de bibliographie est patente, et l’index des auteurs
cités malhonnête, puisque l’étude d’Henri Wallon, qui est la source d’une page
sur trois, ne s’y retrouve pas plus de trois fois pour deux cents pages…
Ainsi les lieux communs
sont égrenés comme des perles : les médias incitent à la passivité (p.
169), l’adversaire du jeu enfant est la « gadgéture » (p. 173), ce
qui, même si c’est inexact, flattera toujours le lecteur dans ses certitudes.
De même, en bons soldats de l’état, nos agents de l’éducation nationale font
des années soixante-dix les conditions inespérées pour mettre le jeu au centre
de la pédagogie, car bien sûr leur époque est plus éclairée que la précédente.
Alors que la place du jeu dans les textes officiels est peu ou prou la même
depuis la fin du XIXe siècle, comme l’a montré depuis Gilles Brougère dans Jeu et éducation en 1992. Les auteurs
aiment bien se gargariser de concepts creux comme « donner plus de place
au sport », « redéfinir l’école pour en faire une place ouverte »,
« faire de la récréation une opportunité de jeux », etc. débouchant
sur une conclusion à l’avenant : « Les
conquérants de l’inutile que doivent être les nouveaux promoteurs d’une
pédagogie du jeu, seront les artisans d’une véritable renaissance culturelle.
La récréation retrouvée appelle la création. » (p. 167)
Le pire étant sans doute
que les auteurs semblent les seuls dupes de leur boniment : « Notre méthode tient ses promesses :
soucieux d’apporter un nouvel éclairage théorique à une que nous voulons
nouvelle en faveur du jeu, voici que les mesures pratiques préconisées nous
renvoient à des questions de méthode susceptibles de fonder une démarche
inédite. L’anthropologie pratique du jeu est à la fois la condition et la
conséquence de notre stratégie. » (p. 171) Or non seulement les
auteurs ne proposent rien de pratique, mais ils imaginent en outre avoir décrit
une anthropologie, sans doute parce qu’ils citent p. 172 Le paradigme perdu d’Edgar Morin, dont je cherche encore la réalité.
Un livre parfois pas inintéressant, mais qui ne dépasse pas le stade des
(bonnes) intentions, échouant, à l’image des circulaires de l’Education Nationale,
à proposer, sinon une pensée critique, tout au moins une application à leur
démarche.
Le
jeu pour le jeu de Joseph Leif et Lucien Brunelle, Armand
Colin 1976, 191 pages, épuisé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire