Paru la même année que Jouer et philosopher, en 1997, Le jeu de Pascal à Schiller replace la pensée du jeu dans une perspective historique et épistémologique. Affirmant d'emblée qu"'il est facile en première approche de cerner la période de l'histoire où se produit cette mutation et qui doit fixer les bornes de notre étude. Elle a lieu a XVII et XVIIIe siècles et trouve son complet achèvement dans les Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme de Schiller, après lesquelles commence l'histoire contemporaine de la pensée du jeu." (p. 7), on pouvait craindre le pire. En effet, rien de plus commode quand vous êtes un spécialiste du XVIIIe siècle d'affirmer que la période que vous allez étudier est la seule qui en vaille la peine, plutôt que d'avouer que c'est la seule que vous maîtrisez.
Or l'auteur fait souvent référence dans la suite de son texte à Aristote et saint Thomas d'Aquin qui ne sont pas exactement des penseurs du XVIIIe. Il est vrai que les commentaires de Colas Duflo apparaissent faibles comparés respectivement à ceux postérieurs de Marie-Hélène Gauthier-Muzellec (1998) pour Aristote ou de François Euvé (2001) pour Thomas d'Aquin. Si le texte est accessible et souvent bien écrit, il vaut surtout pour ses nombreuses références à la pensée des Lumières. On regrette en revanche que les textes étudiés ne soient pas systématiquement cités, en particulier la lettre XV de Schiller, alors que le texte rare de Leibniz présenté en fin d'ouvrage n'a qu'une valeur anecdotique.
Heureusement l'analyse de la pensée philosophique de l'époque, en particulier celle de Kant sur le jeu, est éclairante et vaut le détour : "On voit déjà que ce que le terme de jeu signale ici c'est en vérité une médiation et une circulation. Lors de la rencontre du beau, imagination et entendement se renvoient l'une à l'autre et la conscience du beau n'est pas autre chose que la sensation de l'effet de ce jeu des facultés, qui est aussi sentiment de leur accord réciproque." (p. 85-86). Il est dommage qu'à cette occasion il ne soit pas fait allusion à la division classique du savoir : éthique, logique et... esthétique, qui montre assez que la pensée de Kant est loin d'être en rupture avec la pensée aristotélicienne. L'absence de Montaigne (XVIe) apparaît également surprenante.
Un petit livre qui a le mérite de nous plonger avec simplicité aux racines de la pensée ludique, même s'il le fait de manière parcellaire et lacunaire, et qui traite enfin du plaisir de jouer, ce que l'autre opus de l'auteur avait complètement occulté. Une bonne introduction à la pensée philosophique sur le jeu, simple et bien écrite.
Le jeu de Pascal à Schiller de Colas Duflo, PUF 1997, 128 pages, 10 €. Lisible gratuitement en ligne sur Google Livres.
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