Après une préface, chef d'oeuvre de prose administrative, dont l'indigence n'a d'égale que la pompe, l'introduction de l'ouvrage tranche très agréablement. Dans un langage clair et simple, Martine Mauriras-Bousquet passe en revue l'essentiel de la littérature ludique, dont quelques trouvailles passionnantes : Léo Frobenius, Marcel Granet, Edgar Morin, voire Eric Berne, dont les témoignages sur le jeu sont méconnus. Docteur en sciences de l'éducation, l'auteur élargit sa réflexion à une approche transversale stimulante.
L'introduction passée, l'inquiétude commence à poindre : non seulement cette débauche de références n'est pas synthétisée, mais elle n'est pas exploitée. Tout en notant que le ludique n'est pas réductible au jeu estampillé comme tel, aucun des deux termes n'est pour autant défini. Et même si l'héritage de ses prédécesseurs est assumé, le bagage épistémologique de l'introduction est vite oublié et, l'auteur apparaît bien fragile sur le fondement même de sa démarche, à savoir le lien entre le jeu et l'apprentissage, puisqu'elle conclut sur les jeux de rôle : "On voit depuis quelques années,se multiplier les revues sur la simulation ; mais il s'agit ici de pur divertissement et non plus du tout d'instruction." (p. 104) Ne pouvant définir le ludique, il est logique que l'auteur échoue à définir son pendant, l'éducatif, sinon à dire que ce n'est pas pareil. Pourquoi ? Mystère.
M. Mauriras-Bousquet explique alors que l'école mutuelle et toute l'éducation d'inspiration montessorienne a mis en place une pédagogie fondée sur le ludique qui fonctionne et dont il faut s'inspirer. Son succès n'est plus à démontrer et si cette voie n'a pas été davantage poursuivie c'est, bien entendu, à cause de l'administration centralisée, des enseignants soucieux de leurs prérogatives et des marchands du temple. Heureusement elle nous rassure, le public a aussi sa part de responsabilité : "Cependant, le méchant état, les enseignants récalcitrants et les négociants cupides ne sont pas tout puissants." (p. 159) Au moins nul n'est prophète en son pays, même pas l'auteur.
Si les quelques conseils prodigués pour la mise en place des jeux de simulations ne sont pas inintéressants, on cherchera en vain l'appui scientifique de la démarche de l'auteur : aucune connexion n'est faite avec la première partie de l'essai. Il faut attendre la conclusion de l'ouvrage pour voir enfin émerger quelques pensées qui dépassent les lieux communs ou le bon sens : "Jusqu'à présent il paraît de temps en temps un ouvrage important sur le jeu, mais il n'y a pas de continuité. Lorsque les études se feront plus nombreuses et se suivront de moins loin, des dialogues pourront s'établir qui n'existent pas encore, les concepts s'éclairciront, le vocabulaire se précisera, de nouvelles questions se feront jour." (p. 173). Toutes choses qu'annonçait l'auteur et que cet essai a échoué à remplir.
Un ouvrage dont l'intérêt, réel, ne tient guère qu'au panorama informé brossé en introduction.
Théorie et pratique ludiques de Martine Mauriras-Bousquet, Economica 1984, 177 pages, épuisé.
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