Je me suis amusé à lister des règles de bon sens devant présider à la conception d’un jeu. Il est probable que j’en ai oubliées, et que certaines soient redondantes, mais dans l’ensemble elles me paraissent constituer un programme honorable de création… et un défi suffisant pour tout créateur de jeu. Elles reflètent en tous cas mon expérience.
Un jeu se doit étymologiquement d’apporter la joie. Et c’est à cette seule aune que doit être jugé tout élément de gameplay.
Un jeu vidéo est d’abord un jeu, ce qui signifie que les mécanismes ludiques en constituent le centre. Inutile de réfléchir à un scénario avant de s’intéresser à ce que votre jeu peut apporter au plaisir de jouer. Si la réponse est rien, ça commence mal.
Le gameplay est l’équilibre entre la profondeur, c’est-à-dire la richesse du jeu, et son accessibilité, donc sa jouabilité. Si un élément enrichit le jeu autant qu’il diminue son accessibilité, ne le retenez pas. N’acceptez de diminuer (un peu) l’accessibilité qu’au prix d’un gain substantiel de la profondeur de jeu. Moins il y a de règles dans un jeu, plus il vous sera facile d’évaluer l’impact de vos innovations : l’usine à gaz est à proscrire absolument. Enfin la première impression d’un joueur est la bonne : si votre jeu ne remporte pas de suite l’adhésion, c’est de votre faute, pas celle du joueur !
Un concept est l’origine d’un jeu, jamais son aboutissement. Un jeu vidéo est une œuvre de genre : grâce aux clichés, elle permet au joueur de plonger immédiatement dans l’histoire, et c’est en jouant avec ces clichés, entre attentes et surprises, que vous allez créer une complicité avec lui. Il est en des jeux comme de l’art, les meilleures œuvres ne sont pas les plus expérimentales, et l’art se bâtit sur la culture : il est donc évolution, pas révolution.
Chaque élément du jeu doit entrer en résonnance avec le concept de base, et faire écho aux autres éléments du jeu. C’est ce qui va différencier l’implémentation souhaitable de celle qui ne l’est pas. Ce n’est pas parce que quelque chose est amusant en soi, que ce le sera une fois intégré dans le jeu. En effet, un jeu n’est pas l’addition de trucs ou d’idées, mais leur synthèse. C’est cette cohérence globale qui donne une personnalité au jeu.
La technologie ne doit jamais être l’argument principal d’un jeu. Un bon jeu l’est pour toujours, même si le jeu vidéo est un produit technique. Or, la technologie et sa maîtrise évolue très vite, parfois plus que le développement d’un jeu. Ajouter à cela le temps de convaincre l’éditeur de financer le projet, de la développer avec des retards, et votre bombe technologique sera peut-être déjà dépassée. Appuyez-vous systématiquement sur la technologie, mais ne la laissez jamais dominer votre jeu.
7. Les conseils tu écouteras
Créer seul est un mythe. Un bon jeu est le résultat d’influences diverses, et savoir ce que l’on veut faire et ne pas faire est le gage de pouvoir trier parmi les conseils, surtout pas de leur faire rempart. Un cerveau ne peut en remplacer deux, à fortiori cinquante, et tout le monde à sa pierre à apporter. Etre à l’écoute c’est aussi s’assurer de convaincre vos collaborateurs du bien-fondé de leur travail.
Un jeu est une œuvre artistique, et à ce titre transmet une émotion. Si rien qu’à le concevoir votre jeu vous ennuie, n’espérez pas qu’il séduise sur un malentendu. Pour que les joueurs apprécient votre jeu, commencez par l’aimez vous-même, dans les moindres détails. Plus vous y prendrez de plaisir, plus celui-ci sera palpable aux joueurs.
Un jeu doit apporter du plaisir, pas des problèmes. Les patchs devraient servir à améliorer le jeu (comme le fait Blizzard), pas à le corriger (comme le font beaucoup d’autres studios). Il vaut mieux un jeu raté, mais maîtrisé de bout en bout, qu’un bon concept buggé. En effet, seul le premier est jouable, et un jeu injouable donne une image déplorable du studio qui l’a produit.
… et rejoueras. Parce qu’un jeu n’est pas qu’une bonne idée, mais doit donner du plaisir sur la durée en se renouvelant. Parce que jouer à un jeu n’est pas le tester, mais bien se mettre à la place du public qui veut prendre du bon temps, et ainsi vérifier si le jeu est aussi bien qu’il aurait pu l’être. Enfin, seul le temps fait apparaître les défauts de conception. Et lorsqu’on fait paraître une suite, ce qui est presque systématique pour un succès vidéoludique, il est du plus mauvais effet que seuls les joueurs se soient aperçus des défauts de l’opus précédent.
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