Il peut paraître étonnant que je passe en revue ici un livre sur le manga, qui n’a pas de rapport direct avec le thème de ce blog. En fait, il y plusieurs raisons à cela. La première est que j’ai lu ce livre pour passer le concours de l’ENJMIN, car une précédente épreuve avait proposé une analyse de manga. Les autres raisons sont que de nombreux jeux adoptent cette ‘esthétique’ (
Tales of Symphonia,
Blue Dragon…), et aussi que je connais son auteur qui m’a bien aidé pour dénicher son livre en un temps record (Merci Daniel !).
En premier je dois dire que je n’aime pas du tout les mangas que j’ai pu lire, les trouvant très mal dessinés avec un scénario d’une rare pauvreté. J’espérais donc comprendre en quoi le manga peut-il être intéressant. En 70 pages, ce livre très descriptif insiste sur l’histoire du manga, ses auteurs, sa production particulière qui passe d’abord au filtre de feuilletons dans des magazines spécialisés, et enfin quelques unes de ses techniques. Mon principal regret, mais de taille, est la suprématie écrasante du descriptif sur l’analyse, et la volonté sincère mais un peu vaine de l’auteur de défendre le manga contres plusieurs attaques ridicules : extrême violence, sexualité explicite, etc, émanant du « grand public ».
Au chapitre des regrets, je ne peux comprendre que dans un genre aussi marqué par le comics américain, diffusé en magazine, il n’y ait pas un chapitre sur leurs influences mutuelles, de même qu’avec le dessin animé puisque de très nombreux mangas ont un animé qui leur est dédié et sont inspirés du style de Tezuka qui a travaillé chez Disney. En effet, la graphie très simple des mangas, la multiplication des scènes d’actions et l’extension à outrance des cases détaillant cette action là où la bande dessinée européenne cherche l’ellipse, m’apparaitraient de bonnes pistes d’analyse. D’autant que la transposition en animé garde cette finalité en inversant la technique, par l’utilisation de la musique pour suspendre l’action et étirer les scènes en longueur. En outre, une comparaison avec la littérature romantique française (Dumas, Sue, Balzac…), qui a été profondément marquée par l’essor de la presse grand public et son écriture en feuilleton, aurait été souhaitable. Je mets en doute enfin certaines prétendues caractéristiques du manga (grosses têtes, grands yeux, corps réalistes, disparition du fond au profit d’une trame) qu’on retrouve systématiquement dans les comics américains, du journal de Mickey aux super héros. Même les thèmes quotidiens (sexe, société) et l’humour fondé sur un jeu de distanciation avec le lecteur, aussi relevés comme caractéristiques du manga, sont très présents dans la bande dessinée de presse française, à l’instar de Fluide glacial ou de Psykopat, eux aussi en noir et blanc.
Finalement, ce livre au format très court, est avant tout une introduction, réussie, à l’univers du manga. A cause de ses lacunes, et peut-être grâce à elles, il réussit à éveiller ce qu’il faut de curiosité pour que le lecteur tisse des liens stimulants vers ses propres références culturelles... et surtout donner envie d'en lire d'un autre œil ! Demeurent pourtant quelques questions : pourquoi le manga a tant de succès au point de représenter 50% des ventes de bandes dessinées en France, tout en touchant des catégories de lecteurs peu sensibles à la bande dessinée européenne ? Et pourquoi cette dernière n’a pas de succès au Japon ?
Et si la réponse était une culture de l’action justement portée par les jeux vidéo ? Les thèmes abordés, beaucoup plus proches du quotidien du lecteur, ainsi que les techniques utilisées, imposent la suprématie de l’action sur la contemplation esthétisante et plus abstraite portée par la bande dessinée occidentale. Le manga comme illustration instantanée de nos vies trépidantes… un instantané lyophilisé ou non.
Manga : origines, codes et influences de Daniel Blancou, L'iconograf 2006, 72 pages, 11,90 €.
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