Voici un petit livre qui se propose, après une présentation rapide de l’univers vidéoludique d’en apprécier la pratique amateur pour en fonder le caractère culturel et artistique. Or, à simplement examiner la démarche, on ne voit pas bien ce que l’on peut tirer de culturel et d’artistique d’une pratique amateur. La réponse est donnée par l’auteur dans une citation de l’ouvrage de J.M. Leveratto La mesure de l’art : « Ces anonymes contribuent à la reconnaissance sociale d’objets méprisés par les critiques d’art et les experts de la culture, du fait de leur caractéristiques peu conventionnelles. L’investissement personnel d’individus passionnés par une technique déterminée permet ainsi sa mise en forme culturelle. »
La critique principale qui me vient à l’esprit est que ce n’est pas parce que des amateurs s’intéressent à quelque chose qu’il s’agit d’un art : le football à ses amateurs, sans qu’on ne le considère comme tel ! On a un peu l’impression que la passion de l’auteur l’emporte sur la raison, sans qu’on sache pourquoi il tient tellement à ce que le jeu vidéo soit considéré comme un art. Enfin, ce qui enlève toute assise scientifique à sa démarche, c’est qu’il se garde bien de définir ce qu’est pour lui l’art ou la culture.
Autant considérer le jeu (et je dis bien le jeu, pas forcément vidéo) comme une pratique culturelle me semble aller de soi, par sa futilité et l’activité intellectuelle qu’elle requiert, autant je ne vois pas en quoi le jeu vidéo est un moyen d’expression artistique. Jusqu’à nouvel ordre créer un jeu c’est mettre le plaisir du joueur au centre de l’opération, on ne crée pas par besoin, encore moins par besoin d’expression. Sinon on écrit, on compose, on peint ou on dessine, toutes choses qui sont nécessaires au jeu vidéo, mais dont la finalité est ici ludique et non purement formelle, artistique. Encore une fois, on peut trouver de l’art dans le jeu vidéo, ce qui n’en fait pas pour autant une œuvre d’art.
Bref, lorsqu’on lâche ce livre pourtant écrit dans un langage clair et accessible, on ne sait toujours pas bien pourquoi le jeu vidéo a à ce point besoin de reconnaissance. Et pourtant, après s’être justifié que le jeu vidéo, particulièrement en multijoueur, est plus convivial que violent, l’auteur enfonce le clou en terminant sur son statut artistique. Mais n’est-ce pas faire ainsi le jeu (si je puis me permettre) de ses détracteurs, que de vouloir à tout prix en faire autre chose qu’une activité ludique ? Or, l’absolution ne viendrait-elle pas plus justement de son caractère simplement ludique ?
Ce n’est serait doute pas assez sérieux pour justifier d’en faire un sujet d’étude… Mais c’est pourtant en tant que tel que les « amateurs », tant loués par S. Genvo, l’apprécient. Que ceux qui cherchent à défendre le jeu commencent par ne pas mépriser son caractère futile, et ce support accèdera naturellement au statut de produit culturel, et qui sait un jour, peut être « plus ».
Introduction aux enjeux artistiques et culturels des jeux vidéo de Sébastien Genvo, L’Harmattan 2003, 90 pages, 9.50 €
2 commentaires:
Il est vrai j'ai un vague (mauvais) souvenir d'avoir lu ce livre.
C'est vrai que l'auteur exprime fortement ce besoin d'asile politique du jeu vidéo du côté du saint patron de l'art.
Je ne m'étais pas rendu compte à quel point, cela affaiblissait son propos.
A contrario quand on voit le mouvement DaDa on ne peut dire qu'il se réfugiait sous l'égide du jeu pour justifier le caractère apparemment futile (pour le dogme bien pensant) . Ils allaient fricoter avec le jeu avec toute la virtuosité et l'assurance qu'on leur connaît. Pour répondre à l'accusation "des Jeux vidéo violents et addictif », le joker du titre, "art reconnu » ne sera pas suffisant
Je dois mettre au crédit de son auteur, que j'ai rencontré, qu'il ne me semble pas qu'il place ce livre parmi ce qu'il a écrit de plus inoubliable.
C'est par ailleurs un authentique passionné, aussi sympathique que bon pédagogue. J'aime en outre souvent ce qu'il écrit.
Pour ce qui est de votre remarque sur les jeux vidéo violents et addictifs, je ne pense pas qu'il soit besoin de les défendre. La violence est cathartique et l'addiction serait plutôt la marque d'un bon jeu, auquel on a envie de revenir.
Après, que des individus violents ou compulsifs soient attirés par ce type de jeu, est un autre problème dont il me semble difficile de faire porter la responsabilité aux jeux en question.
Ce sont les pratiques marketing autour de ces phénomènes qui sont les plus répréhensibles.
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