Publié pour la première fois en allemand en 1821, mais traduit de façon posthume en français en 1829 avec plus de succès, L'enfant étranger est un conte pour enfant, selon la définition de l'auteur : "C'est une lourde erreur, écrit Hoffmann, de croire que des enfants à l'imagination et à l'esprit vif puissent se satisfaire de radotages creux tels qu'on en rencontre souvent dans ce qu'on ose appeler des contes. Car ils ont certes de tout autres exigences. Et il est étonnant de voir avec quelle justesse, avec quel enthousiasme, leur esprit est capable de concevoir mainte chose qui échappe totalement à plus d'un papa fort avisé." (p. 10) Si on peut être suspicieux quant au jugement d'Hoffmann sur les contes traditionnels, celui-ci montre que la fantaisie et l'imagination qu'il déploie dans ses contes n'avait pas d'équivalent de son vivant.
Si cette imagination est teintée de romantisme avec les châteaux dans le ciel et des personnages manichéens, l'omniprésence de la nature et l'insistance sur l'innocence enfantine n'est pas sans rappeler l'influence classique de Rousseau. Les héros enfantins s'appellent ainsi Félix (heureux) et Christlieb (chant du Christ). Sinon le conte est dessiné à gros traits et n'échappe pas à la caricature, à l'instar de ceux de la comtesse de Ségur. Plus intéressant, le propos oppose le jouet, artifice de l'homme, au même titre que la science conçue pour occuper l'enfant, à la nature que l'adulte corrompu ne peut plus percevoir ayant perdu son lien originel avec elle : "Ces joujoux que tu as jetés n'étaient rien. Christlieb et toi, n'êtes-vous pas environnés des plus beaux jouets qu'on puisse voir ? (...) Felix et Christlieb virent, en effet, dans l'herbe épaisse et la mousse laineuse, mille fleurs merveilleuses les regarder comme des yeux étincelants, tandis que brillaient ça et là des pierres de toutes les couleurs, des coquillages à reflets de cristal et des hannetons d'or qui voltigeaient en fredonnant de doux airs." (p. 46)
Le jouet, jeu primordial, devient alors une extension de la fantaisie de l'enfant et de sa capacité à réenchanter le monde de son regard. Il est par cela la source d'une relation privilégiée avec la nature, fondée sur la proximité - la pureté respective - et la réciprocité, puisque c'est le regard autant que l'univers qui est source de cet enchantement.
Une histoire pour enfants certes moralisante et caricaturale, mais plutôt amusante.
L'enfant étranger (1821/1829) de Ernst Theodor Wilhelm Hoffmann, Garnier Flammarion 1997, 112 pages, 2.70 €.
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