Plus connu des sociologues et des ethnologues que des spécialistes du jeu, Gregory Bateson n'en propose pas moins, dès 1954, une réflexion fondamentale sur la nature et la place du jeu dans notre société. Bâtissant une raisonnement en 25 étapes numérotées, il part de la théorie du langage et de l'observation du jeu des animaux pour définir ce qu'est le jeu et le fantasme. Bien qu'il ne fasse pas référence à Freud, li'idée est semblable : le fantasme est le domaine du jeu.
En effet, si des animaux ont des comportements "analogues mais pas identiques" aux situations qu'ils miment (combat, poursuite), c'est qu'ils sont capable de comprendre la dimension symbolique de la communication. Après avoir posé le principe de la carte et du territoire (l'un n'est pas l'autre) Bateson, à l'instar de Suzanne Lilar, fait alors un parallèle avec le trompe l'oeil qui représente un type particulier de métacommunication puisqu'il n'a de sens que lorsque le spectateur perçoit la supercherie, donc les deux niveaux de réalité. Enfin il aboutit a la conclusion, pour ce qui nous intéresse, que le jeu est un succédané du paradoxe d'Epiménide (appelé aussi paradoxe du menteur) qui est faux et vrai à la fois !
Si on ajoute qu'en un paragraphe il présente de manière lumineuse une thèse équivalente à celle de Winnicott sur le lien entre le jeu et la psychanalyse on peut dire que son court article vaut la lecture de Freud (Le créateur littéraire et la fantaisie), Groos (Les jeux des animaux), Winnicott (Jeu et Réalité), Lilar (Dialogue de l'ananlogiste avec el professeur Plantenga), Fink (Le jeu comme symbole du monde) et Bettelheim (Pour être des parents acceptables), rassemblés en quelques pages, avec en sus des innovations que je n'ai retrouvées nulle part... et tout ça dès 1954. Alors même que dans son autre article A propos du jeu et du sérieux, sous l'apparence d'un dialogue amusant avec sa fille, il propose une appréhension originale de la tricherie "Parce que tricher c'est tout simplement ne pas savoir comment jouer" (p. 40) ainsi que de la réalité comme envers du jeu (et non l'endroit !). Magistral.
Et comme si tout cela n'était pas suffisant, vous aurez droit en bonus à l'excellente réflexion Comment penser sur un matériel ethnologique (1940), qui est sans doute ce qu'on a écrit de plus pertinent sur la méthodologie en sciences humaines : ou comment l'analogie peut être une approche scientifique...
Une théorie des jeux et du fantasme & A propos des jeux et du sérieux & Comment penser sur un matériel ethnologique de Gregory Bateson, in Vers une écologie de l'esprit, tome 1, Seuil 1977, p. 41-47 ; p. 105-121 & p. 247-264, 9 €.
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