Pieter de Hooch (1629-1694?) est un peintre hollandais spécialisé comme ses confrères dans la peinture de genre des intérieurs hollandais qu'il rend avec un souci constant de réalisme. Les joueurs de cartes, peint entre 1663 et 1665, est un tableau narratif assez inhabituel dans sa production. En effet on peut interpréter les différents sujets comme une projection programmatique du sujet au premier plan. Un jeune noble, épée au côté et richement vêtu, est entrepris par une damoiselle qui l'invite au jeu, le couple à leur droite montre le rapprochement qui ce qui va s'ensuivre à la faveur du vin auquel pourvoit un valet sur lequel termine le regard... que le vin qu'il apporte renvoie vers le verre que tient le noble à la main.
Il ne fait pas de doute que le luxe tapageur de cet hôtel particulier est un trompe l'oeil. Les femmes ici sont de petite vertue : la belle est vêtu de rouge, couleur du coeur, de la libido et de l'interdit, mais aussi de celle des lanternes qui indiquait les maisons closes... Lieu de pêché, puisque on y joue, on y boit et on y rencontre des femmes, la morale du XVIIe siècle ne peut qu'y voir un piège tendu aux hommes de haute naissance : sous la houlette de son âme damnée tapie dans l'ombre, la belle en rouge invite le noble au jeu, qui bientôt enivré de ses charmes et du vin va y laisser sa bourse. En effet la belle lui sort le grand jeu, qui est pipé, puisqu'elle a tous les atouts, en l'occurence les as, dans sa main. Tout ce qui brille n'est pas de l'or.
Ce tableau moraliste figure ici le jeu au titre des instruments de perdition, mais pas seulement. Comme pour Les tricheurs du Caravage, il s'agit d'un thème courant dans la peinture bourgeoise, les mécènes cherchant autant le plaisir esthétique, la représentation sensuelle des plaisirs que leur autorise leur rang, que la dimension spirituelle ou morale qui leur rappelle leur naissance et leurs devoirs. Mêler l'interdit au plaisir c'est aussi accroître ce dernier. Le jeu s'inscrit ici dans les plaisirs d'un siècle et surtout d'une classe qui goûte l'oisiveté que lui garantit ses rentes. Le jeu est célébré au même titre que les appâts féminins ou ceux des spiritueux, et comme toute tentation, l'interdit n'en fait qu'en avaliser l'attrait. Après tout jeu signifie bien joie... comme les jeunes filles un peu lestes qui nous sont présentées.
Joueurs de cartes dans un riche intérieur dans un riche intérieur de Pieter de Hooch, Musée du Louvre, 1863-65.
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