mardi 9 février 2010

L'art invisible


Il existe des livres qui ne ressemblent à aucun autre. L'art invisible, comme le dit son auteur, est un livre qui ne s'explique pas : une bande dessinée sur la bande dessinée. Pour comprendre pourquoi disserter de la bande dessinée comme d'un art, certes graphique,mais dont l'intérêt réside avant tout dans ce qui n'est pas montré, l'ellipse, il faut lire cette bd qui fait tomber plus d'un préjugé.

C'est là que la bande dessinée prend tout son sens : en traduisant par l'exemple sa démonstration, en se mettant en scène au milieu des vignettes, l'auteur met son propos en adéquation avec la forme de son essai. La langue est simple et directe comme l'art qu'elle prétend décrire. La bande dessinée est abordée sous tous les angles fondamentaux : pourquoi en dessine-t-on et en lit-on, comment s'inscrit la bande dessinée dans l'histoire de l'art, quel est le langage propre à la bande dessinée, comment s'empare-t-elle du temps et de l'espace, pourquoi la couleur, quelles sont les étapes de sa réalisation, quels sont ses fondements, quel rôle remplit-elle dans notre culture ?

Ce livre fait penser, en moins scientifique et novateur tout de même, à une version didactique de La morphologie du conte de Vladimir Propp. Sa forme qui épouse parfaitement son propos, sa façon d'aborder le sujet sous tous les angles, de le réduire à des théorèmes simples qui dépassent le cadre de la bande-dessinée, font de ce livre un modèle pour tout étude qui tente de faire le tour d'un art. Et c'est précisément sur ce point qu'il devrait être une source d'inspiration pour la réflexion sur le jeu. Toutes les questions que posent l'art invisible, simples et pourtant fondamentales, peuvent être posées au jeu, et devraient lui être posées.

Un essai ludique, plein d'humour, à lire absolument pour toute personne que les réflexions sur l'art quel qu'il soit, sa définition, sa forme et sa fonction intéresse. La dimension et la justification de cet art populaire, au même titre que le jeu, sont en outre particulièrement bien cernées.

L'art invisible de Scott McCloud, Delcourt 2007, 224 p., 15 €.

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