Tout le monde connaît les aventures d'Alice et personne ne les a lues. La faute à quoi ? Un livre intraduisible parce qu'il repose essentiellement sur des jeux de mots ainsi que sur la connaissance des comptines anglaises de la fin du XIXe siècle et, sinon ce serait trop facile, sur des private jokes, puisque le livre n'a pas été écrit à l'origine pour être publié : allusion aux leçons d'histoire d'Alice Lidell qui a servi de modèle au personnage, à son caractère, au bégaiement de l'auteur (qui s'incarne dans le livre sous forme d'un dodo sous forme de calembour pour Dodgson, son véritable nom), etc. Le livre n'est donc qu'une succession de saynètes qui ont pour principal intérêt et fil conducteur la connaissance intime que l'auteur a de la véritable Alice.
Sous prétexte que le livre est destiné aux enfants, il est totalement incohérent : les situations abracabrantes n'ont aucun lien entre elles, les poèmes tombent à plat, les personnages sont incompréhensibles, et le récit n'a ni queue ni tête. L'expression sent la naphtaline à l'instar des illustrations originales. La traversée du miroir est à ce titre encore plus cryptique sans avoir la fraîcheur, l'invention et les quelques moments de grâce du premier épisode : la chute, la bouteille. Le seul intérêt semble aujourd'hui d'y découvrir les racines du mythe qu'est devenu le personnage d'Alice. Quant au jeu, on sera bien en peine de trouver quelque chose à picorer : cartes et échecs animés, parties de criquet sont là uniquement pour rappeler l'univers enfantin et, par effet comique et effrayant, inverser les rôles traditionnels du jouet et de l'enfant.
Certes l'absurde omniprésent est une tentative de parler aux enfants directement dans leur langue, avec des liens logiques qui exploitent les peurs et les désirs comme dans les rêves ; c'est sans doute ce qui explique sans doute le succès du livre à une époque où tous les autres ouvrages à destination des enfants étaient moralisateurs. Mais le lecteur docile que je suis finit par bailler d'ennui et par perdre le fil... à moins que ce ne soit la tête ?
Les aventures d'Alice au pays des merveilles suivi de La traversée du miroir de Lewis Caroll, Le livre de poche 2009, 316 p., 6.50 €.
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