lundi 10 mai 2010

La société du jeu


Economiste, Alain Cotta s'essaie la chronique sociale, voire à l'essai philosophique. A la manière d'un Jean Duvignaud mais sans l'élégance de plume, il disserte sur le jeu (un peu), la société (beaucoup). Le résultat est inclassable : ce n'est ni un ouvrage érudit, ni une analyse économique, ni un essai lyrique, ni un pamphlet idéologique, ni un rapport journalistique, mais tient un peu de tout cela. On attendra en vain une démonstration scientifique, une architecture rigoureuse, une progression dans la pensée, une réflexion visionnaire. Il n'y a rien de tout cela dans La société du jeu.

Le raisonnement par analogie gouverne tout, on passe sans cesse du coq à l'âne, d'une époque et d'un continent à l'autre, et les considérations se suivent sans se ressembler, donnant un aspect hétéroclite et farfelu à ce recueil bavard ou la digression dicte la rédaction. C'est brouillon, souvent sans queue ni tête, et on peine à distinguer ce qui relève du constat, de la supputation, de l'exhortation ou de la simple divagation. Un exemple au hasard, page 220 : "[Les adultes] y trouveront un statut social ou l'occasion d'un rôle supérieur, dans ses avantages, à ceux qu'ils pourraient occuper s'ils adoptaient d'autres attitudes. Tant mieux pour eux. Mais les masses joueront comme elles consomment, aujourd'hui, dans l'indifférence aux invectives et aux interprétations, perdues dans un narcissisme qui est leur raison d'être." Qu'est-ce que ça veut dire ? De quoi parle-t-on ? Où l'auteur veut-il en venir ? Celui-ci analyse, déplore ou prophétise-t-il ? On ne sait.

Certes tout n'est pas aussi abscons, et j'ai apprécié le rapprochement entre l"histoire militaire et l'évolution du style aux échecs, la description jeu vidéo, le traitement successif des trois types historiques de jeux que sont les jeux physiques, de hasard et de stratégie (bien que l'auteur ne justifie pas ce découpage), et sûrement quelques autres petites choses. Mais sur 270 pages d'assertions non étayées, la cueillette reste chiche. L'absence de toute bibliographie (hors notes) achevant de dégonfler le soufflé. Tout à fait dispensable.

La société du jeu d'Alain Cotta, Fayard 1993, 270 pages, épuisé.

Aucun commentaire: