Quelle approche pour le jeu ? Si celui-ci relève à priori de la sociologie, qui s'intéresse à nos pratiques sociales de joueur, le jeu en tant qu'expression culturelle appartient pleinement aux sciences de la communication qui étudient autant le contenu critique des productions intellectuelles que leur origine, leur message, leur réception et leurs usages. Histoire des théories de la communication tente le pari de faire le tour de la discipline en 120 pages index compris et malgré une troisième édition revue et augmentée. Cette performance, imposée sans doute par le format de la collection, confine à la stupidité puisque pour ce faire l'impression oscille entre le corps 8 et 6 (pour les encadrés) et s'affranchit de toute marge décente pour la prise de note. Ce livre est donc aussi insupportable à lire qu'à annoter, et je le déconseille aux porteurs de lunettes.
Cette déconvenue surmontée, le contenu est plutôt brillant, dans un langage à la fois clair et accessible il livre ainsi en quelques pages l'origine, l'objectif et le contenu de telle approche sociologique, et on appréhende mieux la différenciation opérée dans les années soixante entre la sociologie et la communication. Il est en outre agréable de lire une présentation des différents courants sans parti pris, mettant en avant l'apport de chacun. Du moins jusqu'à la présentation des sciences de la communication proprement dites où le langage devient beaucoup plus verbeux et où l'auteur finit par reconnaître que, finalement, personne ne sait très bien ce qu'il en est : "...La communication est victime d'un trop de communication (Baudrillard). Ce trop de communication a produit l'implosion du sens, la perte du réel, le règne des simulacres. Pour le philosophe italien Gianni Vattimo, la société des médias est loin d'être une société "plus éclairée, plus éduquée, plus consciente de soi". (p. 102) Il en résulte que le champ dans son ensemble éprouve de plus en plus de difficultés à se dégager d'une image instrumentale et à conquérir une véritable légitimité comme objet de recherche à part entière, traité comme tel, avec la prise de distance indissociable d'une démarche critique." (p. 104-105)
Un livre à la hauteur de son sujet : une science qui se cherche encore, autant dans ses objets que dans ses méthodes, donc encore largement à construire avant de pouvoir être complètement interprétée. Mais il faudrait pour cela que cette discipline en gestation, comme son historiographie, fasse le deuil de tout jargon, ce qui permettrait déjà d'y voir plus clair.
Histoire des théories de la communication d'Armand et Michèle Mattelart, La découverte 2004, 123 pages, 9.50 €.
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