S'il n'était sous-titré : "5000 ans d'histoire culturelle des jeux de société" mais plutôt "A travers les collections du musée suisse du jeu", cet ouvrage ne serait pas aussi décevant. Evoquer le jeu ne suffit pas à en faire une histoire culturelle, surtout quand on s'intéresse davantage à l'objet qu'à l'activité. Tranchons une ambiguïté : on en apprend davantage sur les années de parution, les éditeurs, la fabrication, l'origine économique, les brevets d'invention, les procédés d'impression que sur les auteurs de jeu, les écoles de conception, le contexte culturel de leur élaboration, les filiations, l'impact des jeux sur l'éducation, les idéologies qu'ils véhiculent, leur inscription dans le contexte culturel de l'époque, les motivations qu'il induisent, le plaisir qu'ils suscitent.
D'autre part la cible d'un tel ouvrage n'est pas clairement définie. On imagine les visiteurs du musée suisse comme étant d'abord les familles, on est ici dans un propos de spécialistes malgré l'absence de toute note infrapaginale ou de sources précises. Ainsi on peut lire une allusion aux principes de "F. Froebel" sans avoir la moindre précision sur sa théorie du "jardin d'enfants" ni même sur le fait qu'il s'agit d'un important pédagogue allemand. Et ce alors même qu'aucune contribution, à ma connaissance, n'émane d'un universitaire. On a l'impression malheureuse d'en avoir les défauts sans les avantages : si la langue est claire, la plupart des articles n'ont ni introduction, ni problématique, ni conclusion : mention spéciale ainsi à la contribution de Michel Boutin qui semble y avoir collationné quelques unes de ses fiches, énumérant sans fin des éditeurs et des dates, et s'arrêtant ainsi, comme elle a commencé. Tout est descriptif, l'analyse est rare, la synthèse inexistante. Beaucoup de jeux sont cités sans qu'on daigne nous en résumer leur principe, ou même qu'on nous dise pourquoi, cependant que les redites sont courantes : il y a bien quatre ou cinq évocations du Halma, pourtant ce n'est qu'à la dernière que j'ai compris qu'il s'agissait de l'ancêtre des dames chinoises, mais sans arriver à en apprendre davantage sur son fonctionnement.
C'est d'autant plus regrettable que l'iconographie, extraite quasi exclusivement des collections du musée, est magnifique, même si elle n'est pas toujours là ou on l'attendrait : la description du jeu du Senet ou des 20 cases est ainsi incompréhensible. Le manque de didactisme, l'avalanche de dates et de noms dans un livre qu'on souhaiterait familial et rédigé comme une invite au jeu, tout au moins à la visite des collections du musée, est dommageable. On le lit comme un catalogue d'exposition : davantage pour les images que pour le contexte historique trop factuel et rébarbatif. Pour un livre émanant de passionnés, le plaisir semble loin. Un comble.
Jeux de l'humanité édité par Ulrich Schädler, Slatkine 2008, 222 p., 38 €.
2 commentaires:
Bonjour,
J'utilise ce formulaire de commentaire en défaut de formulaire de contact (que, s'il existe, je n'ai pas trouvé).
Je tenais en effet à vous dire que j'ai été très agréablement impressionné par votre blog. Arrivé ici complètement par hasard (une recherche sur le livre de Callois), j'ai été surpris, moi-même fervent joueur, de trouver des articles passionnants, argumentés, développés, sachant toujours garder la distance nécessaire à l'analyse.
Pour tout dire, j'ai rarement vu une telle qualité intellectuelle, que ce soit dans des blogs (que je ne fréquente de toute façon que très rarement), sur Internet ou même dans des magazines professionnels. Je n'ai retrouvé un tel niveau que dans des cours de CPGE, c'est pour dire.
De plus, à la qualité des articles et de leur traitement s'ajoute une expression presque parfaite, exploit qui se raréfie aujourd'hui, sur internet comme ailleurs. Votre blog mérite le détour, et, au nombre des commentaires, il semble que ce ne soit pas le cas. Dommage.
Je tenais donc à vous témoigner mon admiration ; je continuerai à suivre ce blog, et, sans doute aussi, j'y ferai publicité : on gagne à le connaitre.
Quels compliments ! :) Il est très agréable de voir que ce qu'on écrit est lu, et plus encore, apprécié.
S'il y a peu de commentaires c'est ma faute : par défaut Blogger ne permet de laisser de commentaires qu'aux détenteurs d'adresse gmail, et je ne l'ai corrigé que récemment.
Sur le fond j'essaie d'écrire la critique que j'aurais aimé lire avant de me lancer dans l'ouvrage lui-même. C'est donc très subjectif...
Sinon pour me contacter il suffit de poster un commentaire, il m'est envoyé automatiquement. Cela permet à tout le monde de bénéficier des commentaires de chacun, et peut-être d'initier ainsi la discussion.
En vous remerciant d'avoir pris la peine de dire le bien que vous pensiez de ce blog.
Ludiquement,
Don Diego
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