Peut-on décemment ajouter quelque chose à
l’œuvre d’Escher ? L’idée, à savoir de mettre en relief, comme le font avec
poésie les livres pour enfants, l’œuvre du graveur néerlandais qui joue avec
l’illusion et la perspective, était un défi intéressant, certaines de ses
gravures ayant déjà été réalisées en volume.
Le problème vient de ce que l’intérêt de
son œuvre est de jouer avec nos perceptions, non d’être réellement ce qu’elle
suggère. Dès lors pourquoi, parmi la petite dizaine d’œuvres retenues, sur les
448 lithographies possibles, avoir choisi par exemple Reptiles (1943) ou Balcon
(1945) qui donnent l’impression, pour la première, que des reptiles sortent de
la feuille, pour la seconde que quelqu’un a donné un coup de de poing dans la
feuille, surtout si c’est pour représenter au premier degré, en relief, ce qui
auparavant n’était qu’illusion, désactivant du même coup le sens de la gravure
?
D’autre part le pop-up n’est pas mis en
perspective par une comparaison avec l’original, ce qui ne permet pas
d’apprécier pleinement l’adaptation qu’en a faite Courtney McCarthy, pas plus
que ses choix ou sa technique. On est plutôt au degré zéro de l’émerveillement,
qui consiste à valoriser le gadget et le superflu. C’est d’autant plus
regrettable que chaque œuvre est commentée et souvent contextualisée par une
citation d’Escher. Quant à Cascade (1961), œuvre qui trône en couverture
et qui est donc la seule a être répétée en relief au sein de l’ouvrage, on ne
peut que déplorer la disparition de la fascination qu’exerce sur nous
l’utilisation astucieuse des triangles de Penrose, que le modèle en 3D,
insuffisamment soigné, est incapable de reproduire. L’art millimétrique
d’Escher s’accommode fort mal de l’approximation des pop-ups.
Pourtant au milieu de ce ratage,
l’analogie entre la dimension ludique des œuvres d’Escher et la magie du
pop-up est évidente. Celui qui déclarait de façon volontairement paradoxale : « mon travail est un jeu, un jeu très sérieux »
(p. 13), affichait son goût pour la relativité et les espaces impossibles,
aimant « passer son temps à se
promener à travers les énigmes » (p. 1) car « seuls ceux qui défient l’absurde peuvent
atteindre l’impossible. Tel objet se trouve à la cave ? Eh bien, montons le
chercher à l’étage ! » (p. 3). Ce jeu, c’est-à-dire ce refus du
premier degré, ce vertige où l’observateur se perd dans le joueur, trouve son
prolongement dans la nature enchanteresse et enfantine du pop-up.
Certes, contrairement à ce qui est affirmé
en quatrième du couverture, rien ne sublime ici l’intention d’Escher, mais
force est de reconnaître que Courtney McCarthy ne s’est pas trompé, cette fois,
en affirmant du graveur hollandais qu’« il aura su, comme peu d’autres, faire exister avec brio l’irréel, le
paradoxal, et l’incompréhensible. » Autant de caractéristiques ludiques.
Une curiosité, à laquelle on préférera l’œuvre originale.
M.C. Escher Pop-up de Courtney Watson McCarthy, Thames & Hudson
2011, 16 pages, 29.95 €.
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