Ce dictionnaire des jeux
n’en est pas exactement un puisqu'il s’agit plutôt d’une académie qui donne la
règle d’une pléiade de jeux. Ainsi l’article « jeu » s’offre le luxe
d’être famélique avec ses deux colonnes consacrées au sujet. Comme c’est le cas
pour l’ouvrage de Claude Aveline, Le codedes jeux, l’introduction est la partie la plus intéressante. Rédigée par la
conservatrice du musée de l’éducation, Marie-Madeleine Rabecq-Maillard, la
préface est peu commune puisque celle-ci s’exprime en lieu est place du
directeur d’ouvrage affiché, reprenant les décisions d’organisation de la
matière à son compte : « Il eût
fallu faire à partir d’un certain critère, tracer des limites difficiles à
établir entre les diverses catégories de jeux. Le caractère encyclopédique de
l’ouvrage en eût souffert. Choisir, c’est renoncer au reste. Dans la mesure où
ses auteurs n’ont pas choisi, le dictionnaire des jeux a embrassé un domaine
aussi vaste que le lui permettaient ses limites matérielles. Il s’est contenté
de ranger les jeux par ordre alphabétique pour les raisons exposées
ci-dessus ; cette présentation rend son usage particulièrement commode et
pratique. » C’est vrai que pour le coup, un dictionnaire qui ne serait
pas classé par ordre alphabétique mériterait difficilement son nom… Plus
curieux encore, on trouvera la catégorisation « impossible » en fin
d’ouvrage qui rend pour le moins caduque tout ce qui vient d’être écrit. Un
doute assaille alors le lecteur : est-il certain que les auteurs ont lu le
résultat final ?
D’autant que la préface
est pleine de sous-entendus surprenants, qui donnent l’impression dérangeante
que son auteur est la première à douter de la démarche exposée : « L’homme du XXe siècle peut se livrer à ses
occupations désintéressées que les américains englobent sous le nom de hobbies et qui relèvent plus ou moins de ce que
nous appelons jeux. » Non, hobby signifie loisir, même si finalement
c’est d’abord un aveu mal assumé du rôle du plaisir dans le jeu, mot redoutable
que M.M. Rabecq-Maillard se garde bien d’employer : « L’importance et la nécessité des jeux dans la vie contemporaine,
l’intérêt qu’ils suscitent parmi les individus les plus divers justifiaient la
publication de ce Dictionnaire qui, pour n’avoir par pas de prétentions
scientifiques, n’en demeure pas moins une
Somme pratique des jeux de tous les âges, dans les diverses civilisations. »
Certes les auteurs ont fait un travail de synthèse sur un sujet
« puéril », ce qui ne saurait donc mériter le terme bien trop sérieux
de scientifique, mais au moins ont-ils fait œuvre utile ! Bien étrange
couronnement, donc, d’une démarche qui s’inscrit pourtant dans les traces de
celles d’érudits reconnus comme Johann Huizinga ou Roger Caillois, mais dont
l’indécrottable futilité apparente semble entacher l’éclat jusque pour ses
propres auteurs.
Le contenu demeure donc, logiquement tout à
la fois conventionnel et empreint de bizarreries : capable de s’étaler sur
la théorie des jeux qui est surtout une théorie économique des choix optimaux en
environnement incertain, ce dictionnaire peut citer l’excellent ouvrage de
Louis Becq de Fouquières, Les jeux des anciens, en bibliographie, tout en arrivant à écrire à l’article
Echecs : « Les hypothèses les
plus variées ont été avancées sur l’origine des échecs (…). Elles comportent
pourtant deux points communs : leur ancienneté, qui semble pourtant
interdire jusqu’à présent l’aboutissement précis des nombreuses recherches
effectuées à ce sujet. Certains auteurs situent à plusieurs milliers d’année
avant notre ère leur première apparition. » (p. 175). Pourtant L. Becq
de Fouquières a démontré ludologiquement qu’il n’était pas raisonnable de le
dater avant le VIe siècle, puisque aucun jeu n’affiche des déplacements
différents suivants les pièces avant cette époque. Les atouts de ce genre
d’ouvrage résident finalement dans sa principale faiblesse, celle de traiter le
jeu de manière vieillotte et académique : la mention de l’anacyclique (autrement
dit des vers brisés), un exercice poétique qui transforme un texte en
labyrinthe à double sens, donne lieu à des petits bijoux, reflet d’une
érudition compassée mais emprunte d’une nostalgie charmante :
Vive à jamais /
l'empereur des Français
La famille royale /
est indigne de vivre :
Oublions désormais
/ la race des Capets
La race impériale /
doit seule lui survivre !
Soyons donc le soutien / De ce Napoléon
Du comte de Chambord
/ chassons l'âme hypocrite :
C'est à lui
qu'appartient / cette punition.
La raison du plus
fort / a son juste mérite. (p. 8)
Dictionnaire des jeux sous la direction de René Alleau, Claude Tchou 1964, 544 pages, épuisé.
Dictionnaire des jeux sous la direction de René Alleau, Claude Tchou 1964, 544 pages, épuisé.
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