« Ecrire sur le jeu, c’est philosophique.
Ecrire un livre pour expliquer le jeu, c’est paradoxal ! Jusqu’à présent,
nous n’avons pu trouver aucun livre sur le jeu qui soit conforme aux
caractéristiques du jeu, c’est-à-dire qui soit divertissant et amusant à lire, comme il peut être
amusant de jouer. » (p. 5) Commencer ainsi un ouvrage analytique est
pour le moins téméraire, même si cette perspective vaut d’être posée. La
canadienne Nicole de Grandmont ne fait pas peser le suspens longtemps : elle ne
prétend pas faire mieux mais autrement. En résumé : cet essai à l’intention
des pédagogues brosse très rapidement les caractéristiques et l’histoire du jeu
avant de se concentrer sur son usage pédagogique.
A défaut d’épouser la
forme du jeu, l’étude se fait pédagogique et produit systématiquement en fin de
chapitre une fiche récapitulative et didactique. Si l’idée est intéressante, la
forme retenue est infantilisante, voire contestable : des listes de
notions non hiérarchisées qui donnent à penser que leur articulation n’est pas
claire pour l’auteur. Si rendre un ouvrage sur le jeu accessible à tout un
chacun est légitime, le risque de la vulgarisation est la simplification à
outrance, surtout si l’auteur manque de maîtrise et de rigueur. Faire du jouet
un intermédiaire entre le jeu ludique et le jeu éducatif (p. 30) est
contestable puisqu’un jouet est potentiellement une infinité de jeux dont il se
trouve donc à l’origine.
Pire, l’auteur, tout
en prétendant redonner au plaisir sa
place primordiale, ne semble manifestement pas appréhender sa fonction :
« le plaisir se voit quelquefois
relayé au second rang des émotions, après la joie, le contentement, le bonheur,
quand il n’est pas seulement remplacé par ceux-ci. Pourtant le plaisir est une
notion fortement associée aux tendances élémentaires et fondamentales de
l’humain, tandis que les autres formes d’émotions sont des synonymes davantage
associés aux sentiments et aux sensations. » (p. 49). Le plaisir ne
peut être relégué par les émotions puisque les émotions ne sont qu’une
intensité de plaisir (positif ou négatif, dans le cas du déplaisir) et en
constituent donc sa manifestation, d’autant que le bonheur n’est pas une
émotion mais un état d’esprit, que les sensations sont aux origines des
émotions, ou encore que les sentiments sont des émotions dirigées, en
interaction.
L’étude de Nicole de
Grandmont n’en est pas moins intéressante lorsqu’elle aborde sa spécialité, la
pédagogie du jeu. Qu’elle cite C. G. J. Pulles sur le rôle thérapeutique du jeu
chez l’enfant : « parce que le
jeu est un moyen privilégié pour observer l’enfant, parce qu’il est pour
l’enfant le meilleur moyen d’extériorisation et d’expression. Si l’adulte peut
révéler ses pensées et ses expériences intérieures par la parole, s’il peut
exposer ses difficultés et ses problèmes dans la conversation, cela est
impossible à l’enfant. » (p. 63) ou, plus encore, qu’elle établisse
une distinction fine entre jeu ludique, base des apprentissages de savoir-être
(bien que l’auteur n’emploie jamais le mot), jeu éducatif qui met en œuvre des apprentissages,
et jeu pédagogique qui permet de transformer les appris en acquis, et de
minimiser ainsi la période de latence, l’auteur apporte sa pierre à
l’appréhension pédagogique du jeu. De même lorsque l’auteur décompose la
pédagogie du jeu en pédagogie de l’indirect (apprentissage par détour) et de la
non intervention (initiative et autonomisation), bien que l’on en reste au
stade de la définition, très peu de cadres étant donnés pour passer à sa mise
en œuvre.
Un livre simpliste mais
qui a les atouts de ses défauts, à savoir de constituer une introduction accessible au jeu en tant que support d’apprentissage,
et plus encore en érigeant le ludique comme un cadre de pensée de la pédagogie,
et pas seulement l’inverse.
Pédagogie du jeu : jouer pour apprendre (1989) de Nicole de
Grandmont, De Boeck 1997, 112 pages, épuisé.
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