samedi 1 décembre 2012

Art du jeu jeu dans l’art : de Babylone à l'Occident médiéval

Avec une exposition portant sur  le jeu dans l’art, l’on pouvait légitimement s’attendre à de beaux objets, mais pas seulement. En effet, c’est bien de l’art du jeu dont il s’agit en premier lieu. Du moins c’est ce qu’annonce le panonceau introductif de la salle, dans le superbe frigidarium des thermes de Cluny : « Réunissant environ 250 œuvres, cette exposition se propose de constituer une étape de synthèse et de prospection pour des recherches actuellement très dynamiques sur le thème des jeux de plateau et leurs accessoires du hasard. » Effectivement les panonceaux explicatifs replacent les jeux dans leur contexte et les cartels évitent de se limiter à la technique de réalisation, même si leur organisation dans un ordre souvent différent de celui des objets des vitrines qu’ils commentent gêne considérablement la compréhension. On ne s’étonne pas de retrouver une grande partie des objets de l’exposition de 2009 Jeux de princes, jeux de vilains de la BNF, essentiellement issus de fonds français. Les objets sont organisés par thème : jeux de l’Antiquité, jeux de hasard… Sans que l'on ne voit bien ce que ces catégories plus muséographiques que ludologiques dévoilent de l’art du jeu.

L’exposition comportant moins d’une dizaine de panneaux d’explication, elle trouve pourtant l’occasion de commenter l’absent au risque de paraître ridicule : « Si aucune certitude n’est possible, il est néanmoins permis d’envisager qu’une origine des jeux de plateau se situe dans le Croissant fertile, au VIIIe millénaire avant notre ère. » Au-delà du ridicule de vouloir poser une date précise sur le phénomène ludique, cette datation est d’autant plus téméraire qu’un autre panneau, moins incertain celui-là, explique : « La plus importante découverte de ces dernières années pour l’histoire des jeux est sans doute celle des tombes de Juroft en Iran. Parmi le mobilier funéraire d’une culture vieille d’environ 4000 ans, des plateaux de jeu ont été mis au jour, ou des serpents en relief s’entrelacent pour former trois rangées de douze cases réparties en deux groupes de six. Ce jeu apparaît donc comme le premier conçu en lien avec le dé cubique à six faces. » Quand on sait que le Senet a à peine plus de 5000 ans et le jeu royal d’Ur de 4500 ans, on ne voit pas trop ce qui permet à ce jour de prétendre que les jeux de plateau ont 10 000 ans, alors que les dés les plus anciens retrouvés n’ont pas la moitié de cet âge.

Mais parfois les commissaires de l’exposition se mouillent de façon plus heureuse, s’écartant enfin de l’objet pour interroger la pratique qui se cache derrière, proposant timidement quelques interprétations du phénomène ludique : « Dès les origines, la fascination des hommes pour les jeux trouve sans doute fondement dans une quête de la maîtrise du hasard. C’est peut-être parce qu’ils mettent en perspective le destin que les jeux ont constitué un support privilégié pour les artistes. » Cette maîtrise passe par la lutte pour un enjeu, sa propre existence, car « Le plateau sur lequel sont lancés les dés, et où sont dressés des pions de joueurs s’affrontant, semble bien avoir été de tout temps envisagé comme un champ de bataille miniature. C’est ce que nous suggèrent les pions en forme de captifs dans le monde égyptien. » puisque « Sur un mode symbolique la vie est mise en parallèle avec la partie de jeu, le destin avec le hasard. Le pion, portant parfois le nom de son propriétaire, est l’intercesseur du joueur, et le plateau de jeu doté d’un départ et d’une arrivée, d’un début et d’une fin, de l’itinéraire de vie. » Il est dommage que cette interprétation n’ait pas servi de fil conducteur à l’exposition, ce qui auraient permis de dépasser le simple culte du bel objet et de l’exotique, qui ne disent rien alors que l’or et l’art sont les meilleures preuves de l’importance de leur signification aux yeux de leurs commanditaires.

C’est sur ce point précis que la boutique fait mieux que le musée en proposant des reconstitutions de jeux anciens, invitant enfin à passer à l’acte, et à dépasser l’anecdotique. Comme pour rappeler en creux qu’un musée devrait être un parcours initiatique et non un état des collections existantes. Au regard de l’exposition Game story et surtout Des jouets et des hommes au Grand Palais, un essai encourageant mais pas encore transformé.

Art du jeu, jeu dans l’art : de Babylone à l’occident médiéval, musée de Cluny, Paris, exposition du 28 novembre 2012 au 4 mars 2013, entrée plein tarif 8.50 €.

1 commentaire:

Gaëlle a dit…

Tu as raison, la symbolique du jeu est capitale. C'est davantage la réflexion qui peut naitre d'une telle exposition qui m'a séduite. D'autant que la notion d'affrontement est explicite quand on suit un peu les parties d'échecs dans la cour.