Malgré une volonté de rapprocher les deux notions, les premiers articles de cette fausse revue de philosophie (chaque cahier étant séparé par une ou plusieurs années) n'évoquent que l'art, les suivants seulement le jeu. Tout au plus note-t-on en filigrane une façon d'aborder le jeu par l'imagination, la fiction et la créativité.
Le premier article sur le jeu, intitulé Ontologie du jeu, est d'Eugen Fink et précède de quelques années son ouvrage sur Le jeu comme symbole du monde. Il en est un résumé acceptable mais où certaines idées sont absentes, voire contradictoires : l'auteur insiste ainsi sur le fait qu'on ne peut qualifier les actes des dieux de jeux, alors que c'est un thème récurrent de son livre... Autre point amusant, il n'éprouve aucun scrupule à traiter philosophiquement du jeu (dans une revue philosophique qui aborde ce thème) alors que c'est le grand débat de son livre publié quelques années plus tard : le jeu peut-il être un objet philosophique ? Pour le reste on gagnera grandement à se référer au livre, à la fois fois plus complet, plus mesuré et plus abouti.
Le second article, de Suzanne Lilar, s'intitule Le dialogue de l'analogiste avec le professeur Plantenga. Reprenant le personnage autobiographique de son Journal de l'analogiste il est une critique à peine voilée de la thèse de Huizinga soutenue dans Homo Ludens. Et voilà encore un auteur qui éprouve le besoin d'invalider Huizinga en relevant que les caractéristiques qu'il prête au jeu ne lui sont pas exclusives prises séparément. Le problème étant que Huizinga justement ne les prend pas séparément. De plus l'auteur commence par contredire Huizinga sur la forme avant de le rejoindre finalement sur le fond... Pourtant, au milieu de ces jugements hâtifs, Suzanne Lilar propose une vison du jeu en trompe l'oeil qui est tout à fait originale et qui fait de la conscience de la réalité l'acte de naissance du jeu.
La dernière communication L'art et le sérieux, de Robert Misrahi, tente une synthèse entre les deux thèmes sans pleinement y parvenir, et surtout pousse à de demander si l'auteur a lu les précédents : le jeu est passif et l'ennui en serait l'une de ses composantes... Reste que sa réflexion sur l'éphémère du jeu est intéressante.
Des réflexions inhabituelles, certes peu étayées puisqu'il s'agit de philosophie, que leur caractère très spécialisé réserve aux lecteurs les plus avertis.
L'art et le jeu par Eugen Fink, Suzanne Lilar et Robert Misrahi, Deucalion n°6, Editions de la Baconnière 1957, pp. 80-163, épuisé.
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