Au XXIIIe siècle notre monde est gouverné par un unique pouvoir central qui est fait et défait par une loterie, à moins que le gouvernant en place ne soit assassiné, assassinat qui donne lieu a des paris télévisés, et que l'assassin ne devienne le nouveau président... jusqu'à la prochaine saute du mécanisme de la Loterie solaire ou son assassinat.
Visiblement inspirée de la nouvelle La loterie de Babylone de Borges, l'écriture de Philip K. Dick, pleine de rebondissements, de considérations scientifiques et de détails réalistes ravira les fans de science fiction, et agacera les amateurs de littérature. En effet, bien que Dick soit considéré désormais comme un classique, il est loin d'avoir la langue d'Orwell, Lovecraft, Poe, Wells ou même Bradbury : les digressions sont nombreuses, les détails inutiles pullulent, les idées sont abandonnées en cours de route voire sabordées, la psychologie des personnages est sommaire, le rythme de l'histoire est en accordéon, et la fin est tout à fait abracadabrante, dans un style très américain. C'est plein d'idées mais l'auteur n'a pas su en choisir une et s'y tenir, donnant un allure brouillonne à l'ensemble. Quant à la traduction, elle laisse souvent à désirer.
Certes l'action palpitante n'ennuie jamais, mais on est loin de la portée philosophique de la nouvelle Borges, qui compte pourtant dix fois moins de pages. Cela n'exclut pas quelques réflexions intéressantes, notamment sur la règles et la révolte qu'on peut mener contre elles à travers la tricherie, parabole d'une société dirigée par un dieu aveugle :
"- J'ai joué le jeu pendant des années continua Cartwright. La plupart des gens le jouent toute leur vie durant. Puis j'ai compris que les règles étaient telles que je ne pouvais gagner. Qui continuerait à jouer dans ces conditions ? Nous jouons contre la banque, et la banque gagne toujours.
- C'est vrai, acquiesça Benteley, à quoi bon jouer quand le jeu est truqué ? Mais quelle est votre réponse ? Que fait-on quand on s'aperçoit que les règles sont telles que l'on ne peut pas gagner ?
- On fait ce que j'ai fait : on crée de nouvelles règles et on les suit. Dès règles qui donnent des chances égales à tous les joueurs... (p.172-173)"
Le joueur qui joue avec ses propres règles est-il un tricheur ou un créateur ? Un héros est-il un joueur doué, ou un sacrilège qui offense les dieux en se mesurant à eux ? Le dialogue du jeu et du monde, à défaut d'être renouvelé, est ici agréablement mis en scène. Distrayant.
Loterie solaire de Philip K. Dick, J'ai Lu 2008, 183 pages, 3.70 €.
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