Louis Becq de Fouquières est un historien indépendant du XIXe siècle, ou devrait-on dire un amateur au sens noble du terme. A partir d’un nombre incalculable de sources de l’Antiquité, pour ne pas écrire un nombre exhaustif, il livre un panorama vivant des jeux privés des Anciens. Certes son ouvrage n’a pas de problématique, certes le jeu n’est jamais défini, certes il n’est fait aucune allusion aux jeux publics et le regroupement comme le classement des jeux est arbitraire, mais tout est fait avec tant de logique et de simplicité que ces écueils n’en sont plus vraiment.
Il s’agit en effet d’un catalogue de jeux de près de 500 pages, où la matière l’emporte sur l’analyse ; mais comme les sources de l’ouvrage sont presque exclusivement littéraires, la pensée des philosophes, poètes et orateurs s’en trouve mise à nue et révèle, mieux que n’importe quel commentaire, ce que les Anciens pensaient des jeux et la place que ceux-ci occupaient dans leur vie. Les extraits d’oeuvres citées, dont le thème premier n’est jamais le jeu, ne sont pas neutres et soulignent leur valeur symbolique. Ainsi Plutarque d’évoquer avec tendresse dans une lettre à sa femme, pour la consoler de la mort de leur fillette de deux ans, les traits les plus charmants de son caractère : « Elle priait sa nourrice de donner la mamelle, non seulement aux autres petits enfants qui jouaient avec elle, mais aussi aux poupées et aux autres jouets dont elle s’amusait, comme faisant part de sa table par humanité et communiquant ce qu’elle avait de plus agréable à ceux qui lui donnaient plaisir. »
Mais sans doute l’aspect le plus novateur de l’essai est la dernière partie consacrée à la redécouverte des règles des Latroncules, ancêtre du jeu d’échecs, à partir de la recomposition de situations de jeux sur la foi de témoignages lacunaires et sibyllins. On assiste ainsi à la mise en place d’une esquisse de ludologie où l’expérience du joueur se mêle à l’intuitition du philologue et à l’érudition de l’historien, rassemblées sous l’égide du logicien qui, au travers d’un raisonnement rétrograde (bien avant que les théoriciens du jeu ne lui donnent ce nom), reconstitue un schéma de partie puis, à partir de celui-ci, les règles principales du jeu.
Une somme dont la rigueur et l’exhaustivité laissent admiratif, et qui n’a rien perdu de sa modernité avec le temps. Si Martial avouait déjà au Ie siècle : « Un tablier et des dames, quelques livres choisis, et je vous cède toutes les délices des thermes de Néron. » (p. 366), nul doute aujourd’hui que cet ouvrage, compagnon idéal des jeux, serait l’un de nos choix.
Les jeux des Anciens de Louis Becq de Fouquières, Nabu Press (1831) 2010, 478 pages, 29.27 €, intégralement et gracieusement consultable - comme téléchargeable - sur Google Books.
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