Mentor de Pascal Deru pour lequel il a
préfacé Le jeu vous va si bien, Jean Epstein écrit un quart de siècle
plus tôt un plaidoyer pour la valorisation du jeu comme vecteur
d'épanouissement de la petite enfance. Le jeu enjeu est un ouvrage plein de bon
sens. Malheureusement, depuis Descartes, on sait que le sens commun est souvent
l'adversaire de la science. Son propos est donc tissé de banalités assenées
comme des vérités scientifiques, où l'auteur se prend en exemple pour
"lutter, au jour le jour, contre la pire maladie qui soit : la
bêtise" (p. 3) qu'il trouve chez le personnel des crèches avec lequel il
travaille.
Très satisfait de lui, il ne lui vient
pas à l'esprit que si les crèches recourent à lui, c'est sans doute parce qu'il
est susceptible de leur apporter ce qui leur manque. Charmé par les lacunes et
les excès des enfants, il n'a pas la même indulgence pour ceux des adultes.
Pire : sous couvert de son aura de sociopsychologue, il lui arrive de proposer
des solutions sorties de son imagination, qu'il n'a visiblement jamais
éprouvées : “Je suis, personnellement, un farouche défenseur du "parc
pour enfants", à la maison. Avec, toutefois, une réserve : je préconise de
placer a l'intérieur de celui-ci tous les objets considérés comme fragiles, et
l'enfant autour." (p. 78). Et la famille fait ça a chaque fois ? Et le
jeune enfant, comme Tantale, apprend ainsi la tentation de l'interdit et la
frustration ? Et si l'enfant est sous la surveillance de ses parents a quoi
sert le parc ? Bref...
Heureusement quand l'auteur s'astreint a évoquer ses expériences, certaines valent le détour : ainsi le musée du jouet ou le mobilier trop grand confronte les adultes aux difficultés de l'enfance, ou l'expérience de la cervelle d'agneau a la cantine afin de montrer que le
goût des adultes influence celui des plus jeunes. Mais ce sont finalement les
anecdotes qui ont le plus de piquant : "Il y a quelques temps, je
marchais dans la rue, derrière une "grand-mère" accompagnant sa
petite fille. Toutes deux sautaient joyeusement sur un pied. Une femme,
arrivant a leur hauteur, déclara a la vieille dame : "Voilà une mamie
comme tout le monde voudrait en avoir !". J'entendis alors celle-ci lui
rétorquer : "Vous dites cela parce qu'il y a la petite ! Si j'étais seule,
vous penseriez que je suis folle !". (p. 92). Comme quoi le jeu est
d’abord ce qu'on y investit.
Un essai anecdotique dans tous les sens
du terme.
Le jeu enjeu de Jean Epstein, Armand
Colin 1985 (réédition Dunod 2011), 127 pages, 18.50 €.
2 commentaires:
http://www.edenlivres.fr/p/2070208354?mid=3&l=fr
Napoleon Lasagabasterr
Merci Napoleon pour cette indication bibliographique que je ne manquerai pas de parcourir et de décortiquer quand j'en aurai l'occasion.
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