Dans les galeries nationales du Grand palais,
une exposition qui prend le contrepied de la précédente. Autant Game Story est
faite par des passionnés qui ne connaissent rien à la muséographie, autant Des
jouets et des hommes l’est par des muséologues qui ne connaissent pas le jouet.
En premier lieu, ici, c’est sérieux, on ne joue pas : les jouets sont
enfermés dans des vitrines à peine éclairées pour ne pas nuire à leur
conservation, et gêner autant que faire se peut la lecture d'étiquettes
minuscules qui nous apprennent, sans rire, sans doute dans une tradition
naturaliste qui nous vient en droite ligne du XVIIIe siècle, que telle poupée
est constituée de porcelaine, tissu et métal, comme si la composition pouvait
rehausser l’intérêt d’un jouet et éclairer son usage.
L’ensemble est tellement sombre
et lugubre que l’on a fait appel à un artiste contemporain chargé de donner vie
à cet inventaire à la Prévert par l’utilisation systématique de théâtres
optiques. Malheureusement, en comparaison, ce musée qui aurait dû être vivant
n’en paraît qu’encore plus inerte. De-ci de-là des vidéos de jeux viennent en renfort, et l'on s’aperçoit
avec consternation que les commissaires de l’exposition n’ont même pas su se
poser la question de la frontière entre le jouet et le jeu. Par contre
cela ne les a pas empêchés de tricher sciemment, présentant comme jouets une maquette d’un
navire de guerre, prêtée par le musée de la Marine, ou des automates du Conservatoire National des Arts et Métiers, valeur qu’ils n’ont
jamais eue. De là à nous interroger sur ce qui différencie le soldat de plomb
de son homologue utilisé dans les Kriegspielen, il y a un pas que cette
exposition ne franchit pas.
Si on ajoute que les rares
commentaires sont souvent maladroits voire faux, on atteint le fond. Par exemple
Alexandra Ledermann serait un jeu inspiré par la célèbre cavalière, alors qu’il
porte un nom différent dans chaque pays où il est commercialisé. Plus
grave : le costume d’enfant serait d’abord une façon pour les parents de
conditionner leurs rejetons, alors que, comme par hasard, il n’existe pas de
costume de banquier, d’épicier, de bijoutier ou même d’instituteur, et
seulement de policier, pompier, cow-boy, princesse et magicien. Bref, plutôt
que d’ignorer qu’un jouet ne peut avoir de succès sans la complicité des
enfants, peut-être eût-il été plus judicieux de considérer la nécessité pour l’enfant d’apprivoiser à travers ses jouets le monde angoissant des
adultes.
Il y a bien quelques efforts
d’explicitation : le rite de passage à l’âge adulte qui consiste à se
défaire de ses jouets, où le rapprochement avec Citizen Kane, qui fait d’un
jouet la clef d’une existence humaine. Fort heureusement, en quittant
l’exposition, j’ai eu la bonne idée de
passer aux toilettes où je suis tombé sur un Dyson Airblade dont la valeur
ludique, dissimulée sous une utilité strictement contingente, démontre que le
jouet est partout où l’on veut bien lui prêter cette valeur. Et plus encore,
celui-ci m’a convaincu que le jouet est définitivement une chose trop sérieuse
pour la laisser aux adultes.
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