Ouvrage cité quelques fois par
l’épistémologie du jeu, on se demande bien pourquoi. Le constat : « Rien n’est aussi étranger à l’esprit humain
que l’idée de hasard. » (p. 33) pourrait être le résumé du livre. Car
rien n’est plus étranger à son auteur aussi. Plaidant pour l’introduction d’une
notion de hasard subjectif, qui n’est autre qu’un biais cognitif, l’auteur a
tellement de difficulté à l’expliquer qu’il finit par citer un homme d’affaire
à qui il a présenté sa théorie et qui trouve ça très bien… ça fait au moins une
personne. On était pourtant en droit de s’attendre au préalable à une
définition rigoureuse des termes, mais l’auteur divague entre hasard, chance,
probabilité, pari, jeu, divination, intuition, espoir… nous assénant des
tableaux incompréhensibles dont les unités ne sont pas précisées.
Le pire c’est que John Cohen ne s’aperçoit
même pas, perdu qu’il est par la complexité de ses expériences, de la vacuité
de ses analyses. L’auteur de s’étonner ainsi que ses sujets, contre les
mathématiques, préfèrent tirer un billet de loto plusieurs fois qu’une, dans
une boîte avec peu de billets plutôt que beaucoup ou encore qu’elles
s’accrochent à des superstitions, sans se rendre compte que le prédicat est
juste mais son application est incomplète. Ou que la superstition n’est rien
d’autre, à défaut de pouvoir s’assurer un choix appuyé par la logique, qu’une
tentative de se raccrocher à des séquences de résultats antérieurs positifs. Enfin
c’est sans compter qu’à partir de ces expériences incompréhensibles soumises à
des enfants de 8 ans et plus, l’auteur est capable de tirer des plans sur la
comète, tout au moins sur la maturation des capacités cognitives, alors qu’il
ne teste pas d’adultes en comparaison.
Bref c’est si peu rigoureux
scientifiquement, et si confus tant dans l’énoncé que dans les résultats, qu’on
ne comprend pas comment des éditions scientifiques ont pu faire cas de ces
travaux. Reste l’anecdotique, non sans charme, comme par exemple un poème de
Villon cité fort à propos, la Ballade du
concours de Blois, qui annonce la position de Montaigne sur
l’incertitude :
Rien ne m’est sûr que la chose incertaine ;
Obscur, fors ce qui est tout évident ;
Doute ne fais, fors en chose certaine
Science tiens à soudain accident
Je gagne tout et demeure perdant. (p. 9)
Ou encore la consécration de l’espoir, au
même titre que la chance, comme anticipation favorable du hasard, à l’inverse
de la chance qui est son constat : « Après qu’Alexandre eut distribué des présents magnifiques à ses amis,
on lui demanda ce qu’il s’était réservé : « l’espoir »,
répondit-il. » (p. 167).
Un essai confus dont ne surnage guère que
quelques idées originales et bribes d’érudition.
Hasard, adresse et chance : la psychologie du pari et du jeu (1960) de John Cohen, Presses Universitaires de France 1963, 187 pages,
épuisé.
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