Avec un titre qui porte autant de
symbolique que d’imaginaire, un thème autour du grand frère du jeu, le cinéma,
souvent modèle du premier dans sa réflexion sur la fiction, la présence,
l’alter ego et la place du récepteur, ne pouvait que nous inspirer. A mi chemin
entre l’essai et le séminaire, ce livre qui érige l’incise et la digression au
rang d’art, fut pourtant une véritable épreuve. On y découvre des phrases
composées d’incises apposées entre virgules, des tirets contenant des
parenthèses voire des guillemets, pour des commentaires sur des considérations
portant sur la critique d’une représentation (cinématographique) de la réalité.
D’autre part on s’étonne dans cet embrouillamini de l’absence de toute
bibliographie et d’allusion au Cinéma et à l’homme imaginaire d’Edgar Morin qui
aborde déjà en creux la thématique proposée ici.
L’analyse du cinéma à partir de Freud et de
Lacan paraît aujourd’hui un peu datée, mais le coeur du propos à savoir ce qui
est au centre de la représentation cinématographique, et finalement où se situe
l’enchantement qui en résulte est tout à fait pertinent. Essai bavard, il faut
donc plus de 370 pages à l’auteur pour détailler les principes psychanalytiques
de fétiche, de déplacement et de condensation qui en langage esthétique
deviennent métaphore, métonymie et synecdoque, et même paradigme et syntagme en
linguistique : « Dans les films
de gangsters avec Georges Raft, que connaissent bien les habitués des
cinémathèques, la pièce de monnaie que le héros fait sauter dans sa main
devient comme l’emblème du personnage : son valant-pour, à tel degré. Elle
suggère sa désinvolture, son rapport à l’argent, etc. : elle lui ressemble
(=métaphore), mais on le voit la manipuler (= métonymie), et ce jeu est une partie
de son comportement global (=synecdoque). On sait que bien des symboles
filmiques répondent en gros à ce mécanisme : le travail du signifiant met
en valeur un motif visuel ou sonore, et celui-ci se gonfle de suggestions
supplémentaires qui sont autant d’allusions à d’autres motifs du film. » (p. 240)
La force de l’essai de Christian Metz est
de mettre le doigt sur le mécanisme fondamental de l’image qui repose
paradoxalement sur son pouvoir de suggestion : montrer ne sert qu’à
évoquer ce qui est absent, absence qui en creux donne un sens particulier à ce
qui est présent à l’image. Cela n’est pas sans résonner avec ce que soulignait José-Xavier
dans sa Poétique du mouvement : qu’un
film est composé d’autant d’images que d’obturations : « Pour comprendre le film de fiction, il faut
à la fois que je « me prenne » pour le personnage (= démarche
imaginaire), afin qu’il bénéficie, par projection analogique de tous les
schèmes d’intelligibilité que je porte en moi et que je ne me prenne pas pour
lui (= retour au réel) afin que la fiction puisse s’établir comme telle (=
comme symbolique) : c’est le semble-réel. – De même, pour comprendre le
film (tout court), il faut que je perçoive l’objet photographié comme absent,
sa photographie comme présente, et la présence de cette absence comme
signifiante. L’imaginaire du cinéma présuppose le symbolique, car le spectateur
doit avoir connu d’abord le miroir primordial. Mais comme celui-ci instituait
le Moi très largement dans l’imaginaire, le miroir second de l’écran, appareil
symbolique, repose à son tour sur le reflet et le manque. » (p. 80).
Or c’est encore plus vrai dans un jeu,
activité symbolique par excellence, qui n’est autre que la symbolisation de
l’absence, celui d’un sens supplémentaire qui « joue » avec le sens
premier, créant l’espace – le décalage – nécessaire au plaisir pour prendre
forme. Un ouvrage rédigé comme un essai qui est paradoxalement plus intéressant
dans ses conclusions que par son cheminement intellectuel.
Le
signifiant imaginaire
(1977) de Christian Metz, Christian Bourgois éditeur 1984, 371 pages, épuisé.
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