dimanche 10 juin 2007
Pourquoi joue-t-on ?
Bien d'autres avant moi on essayé d'y répondre. Je ne me risquerai donc pas à apporter de réponse définitive, mais plutôt mes réflexions, en écho de celles qui m'ont précédé. Pour Bruno Faidutti, créateur français de jeux de société, on joue bien abrité par les règles 'contre l'angoisse du monde', en quoi il est tout à fait dans la notion chrétienne du divertissement, du latin 'divertere' : détourner de la peur de la mort pour les uns, de Dieu pour les autres.
Mais étymologiquement, le jeu vient de joie. On jouerait donc d'abord pour se faire plaisir : "c'est pour rire" disent les enfants. En effet, si un jeu 'c'est avant tout des règles', comme le dit le créateur américain de jeux de société Alan Moon, alors le plaisir du jeu est profondément celui de la transgression. Edward Murphy prétend même : 'l'amour du jeu est tellement universel et sa pratique tellement agréable, que cela doit être un péché'. Rejoignant finalement, certes avec humour, la conception judéo-chrétienne du jeu : activité futile par excellence, qui détourne de ce qui est important.
Sigmund Freud, pour qui 'l'opposé du jeu n'est pas le sérieux mais la réalité', fait déjà un pas de côté. Certes le jeu est un échappatoire, mais ce n'est pas en soi une activité moins estimable, moins nécessaire à l'homme qu'une autre, sous prétexte qu'elle est plaisante. Il sait, comme nous, que le rire est le propre de l'homme. Schiller prétend même que 'l’homme ne joue que là où dans la pleine acception de ce mot il est homme, et il n’est tout à fait homme que là ou il joue'. On sort donc avec lui de la conception, à la fois négative et passive de passe-temps, à la conception positive et active, qui permet à l'homme de dépasser, mais aussi d'éprouver le meilleur de sa condition d'humain en exerçant sa liberté. Les règles sont alors autant un carcan qu'une possibilité de transgression, de faire enfin ce qu'il est interdit dans la vie de tous les jours : tuer, voler, dominer le monde.
Et si la futilité même de cette activité était la clef de sa raison d'être ? En effet, tous les animaux grégaires jouent, et les biologistes s'accordent à le considérer comme une éducation à la vie sociale. Mais pour l'homme, il est plus encore un moyen d'expression, un exutoire aux tensions de la vie en société, une catharsis. En effet, les règles existent pour mettre tous les joueurs à égalité, même si chacun aura soin de rompre cette égalité pour l'emporter. Chacun en jouant à ainsi la possibilité d'obtenir 'une redistribution des cartes' de l'échelle sociale, d'être placé face à son destin, avec tous les éléments en main pour l'améliorer, et d'exercer sa liberté d'être humain face au monde schématisé par les autres joueurs. Et si l'on échoue malgré tous ses efforts, personne n'oubliera que 'ceci n'était qu'un jeu'. Mais si on l'emporte, on aura alors droit quelques instants à échapper à sa condition humaine.
Le jeu génère le rire et ce faisant libère l'homme de ses angoisses ; il lui fait partager ces moment de joie avec ses proches, et resserre ainsi ses liens sociaux. Alors le jeu activité sociale par excellence ? Profondément humaine en tout cas.
A consulter :
Le jeu, figure de la liberté
Le jeu contre l'angoisse du monde
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