A l’instar de l’ouvrage de Morris et Hartas, voici encore un livre qui affirme que le jeu vidéo est un art au moyen d’un livre en papier glacé et cartonné truffé d’écrans et d’artwork de jeux vidéo. Si son format traditionnel est peu conforme à son aspiration d’ouvrage d’art, il faut lui accorder qu’il a tendance à considérer le jeu vidéo tout entier comme un art, et pas seulement par son aspect graphique. Son contenu est donc une sorte de compromis entre de L’empire des jeux, panégyrique de la production, et Game Art, qui nous dévoile les ‘secrets’ des graphistes.
En effet, la dissertation, développée en 5 ‘niveaux’, aborde les protagonistes, les environnements, les créatures, les objets, l’imitation du réel… du moins en théorie car l’auteur s’attache davantage à faire découvrir l’univers du jeu vidéo (qu’est-ce qu’un protagoniste, la nécessité du héros dans une histoire, quels sont les héros vidéoludiques les plus connus, etc.) qu’à exposer la spécificité du traitement graphique pour les catégories précitées et en quoi le jeu vidéo renouvelle leur traitement… Ainsi, en s’adressant au grand public, l’auteur délaisse une analyse fine qui aurait davantage étayé sa thèse.
Techniquement, le rendu des écrans de jeu est bien supérieur à celui du livre de Morris et Hartas, tant par leur qualité d’impression que par le choix des jeux dont ils sont tirés, ainsi que le cadrage des écrans choisis. Un véritable effort artistique a été effectué par l’éditeur, ce qui soutient bien le propos. En revanche la mise en page, étouffée par le petit format, est encore plus catastrophique que celle de Game Art : les images n’ont le plus souvent pas le moindre rapport avec l’exposé, voire n’illustrent pas tous les jeux auquel celui-ci fait allusion et, cerise sur le gâteau, coupent le cours du développement pendant plusieurs pages pour faire admirer des illustrations en double page, souvent sans rapport direct. De surcroît, il faut généralement lire la légende d’une illustration, faute de place, sur une page qui n’est pas en regard. Enfin, le contenu des légendes est d’une rare indigence : p. 133 : « cette série décline le thème de l’apocalypse sur des modes très divers » ou encore p.202 : « le chef de la résistance indigène est un allié de l’étranger ».
Le reproche principal que je fais à cet ouvrage est justement la volonté de démontrer que le jeu est un art (affirmé en introduction et conclusion) donc une distance critique nulle avec son sujet, qui est évidemment « inventif », « magnifique » et « supérieur » à ce qui a été fait dans les autres arts. Or, si le jeu vidéo est tellement artistique, et de façon si évidente, quel besoin de le marteler à longueur d’ouvrage ? Si cela est vrai, les illustrations, étayées par un discours analytique et critique, plutôt que servile, rendrait davantage service au propos de l’auteur.
En résumé : une présentation honnête de l’univers des jeux vidéo, abondamment et avantageusement illustrée, mais bien loin de démontrer que celui-ci est un art. Mais un réservoir d’images de qualité qui ne concentre pas sur les titres les plus connus, et dont la sélection est toujours pertinente.
Jeux vidéo : l’art du XXIe siècle de Nic Kelman, Assouline 2005, 320 pages, 30 €.
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