dimanche 8 novembre 2009

Le jeu comme symbole du monde


Peu cité par l'épistémologie, l'essai philosophique d'Eugen Fink n'en est pas moins un jalon important des recherches sur le jeu. Peut-être parce qu'il est allemand, l'auteur sait se détacher des recherches pionnières de Huizinga et de Caillois, pour construire la première réflexion philosophique contemporaine sur le jeu. Spécialiste de Nietzsche, l'auteur lui emprunte beaucoup, ne serait-ce que dans la remise en cause de la vision platonicienne et judéo-chrétienne du jeu.

La première partie traite du jeu comme problème philosophique, et c'est peu de le dire puisque l'auteur se justifie longuement de traiter d'un sujet aussi futile, et pose même la question de savoir si le jeu peut-être un sujet philosophique. La seconde partie, l'interprétation métaphysique du jeu, traite de l'aspect fictif du jeu par un rapprochement avec l'image, montrant que l'aspect irréel du jeu ne nuit nullement à son essence, bien au contraire. La troisième partie s'attache à l'interprétation mythique du jeu, sur son origine sacrée mais plus encore sur le caractère divin de l'activité ludique, l'adulte qui joue essayant de retrouver l'âge d'or révolu. Enfin la dernière partie, sur la mondanité du jeu, au sens que l'activité ludique suscite un nouveau monde fictif en addition du réel, et donne son sens au motif du symbole qui est la réunion du corps physique et du corps spirituel du jeu. Le jeu serait donc la seule activité totale, celle qui réunit les deux mondes de l'homme, lui permettant de se transcender.

La difficulté de ce livre, certes écrit dans un langage accessible mais dont la pensée est complexe et pleine de méandres métaphysiques, est réelle. En outre, la lecture de cette oeuvre imprimée en corps 10, sans paragraphe ni saut de ligne, est éprouvante. C'est d'autant plus regrettable qu'il s'agit d'un ouvrage original, non dénué de poésie, qui malgré ses longueurs apporte des réflexions réellement novatrices sur le jeu, dont la hauteur domine largement celle des ouvrages philosophiques postérieurs sur le sujet.

Une lecture recommandée pour ceux que l'ontologie du jeu intéresse.

Le jeu comme symbole du monded'Eugen Fink, Les Editions de Minuit 1966, 240 p., 20 €

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