Premier
ouvrage de game design, l’essai de Chris Crawford a fondé à la fois le game design et les game
studies. Paru lorsque les plus gros succès du moment étaient des jeux
électroniques (on ne disait pas toujours vidéo) sur console Atari, cet essai
est aussi visionnaire qu’il peut parfois paraître dépassé.
S’appuyant
sur Roger Caillois, faisant référence à la narratologie, l’auteur fait preuve d’une
réflexion approfondie qui cherche à composer une approche informée à défaut de
se montrer scientifique. Consacrant un chapitre entier à la question des genres
(qui de l’aveu de l’auteur sont appelés à évoluer en fonction des parutions),
l’essai ouvre la voie aux taxonomies postérieures. Considérer le jeu comme un
art, à une époque où l’on affiche au mieux des cubes et des lignes, est d’une
audace et d’une modernité étonnante ; d’autant que l’argumentation est
particulièrement pertinente :
« L’amateur
de problème [puzzle] œuvre contre
celui-ci (ou son concepteur) pour découvrir son secret. Une fois le secret
découvert, le problème perd désormais tout intérêt. A l’inverse, le joueur est
confronté chaque fois à des épreuves différentes. Là où le problème est figé,
un jeu est vivant ; le joueur doit inventer une solution qui s’adapte le
mieux possible à sa personnalité et à celle de son adversaire. La distinction
clef entre un jeu et un problème est la distance entre inventer votre propre
solution et découvrir celle du game designer. Un jeu consacre la réalité du joueur et réagit à sa
personnalité ; un problème est un objet inerte, muet. » (p. 10)
Certes
le livre contient plusieurs recommandations quelques peu dépassées, comme par
exemple l’obsession de la gestion de la mémoire, mais les commandements du
concepteur restent tout à fait pertinents 25 ans après leur rédaction : 1) accepter les contraintes ; 2) ne pas copier servilement ; 3) centrer la conception autour de
l’utilisateur ; 4) épurer ;
5) optimiser ; 6) laisser le choix ; 7) rendre cohérent. (pp 48-58). Ecrit dans un
anglais limpide à défaut d’élégant, mis à disposition par l’auteur
gratuitement en ligne, on ne saurait trop en conseiller la lecture. L’absence
de ride de ce manuel est sans doute le meilleur plaidoyer en faveur de
l’essence artistique intrinsèque au jeu vidéo, bien plus qu’une quelconque
réalité virtuelle ou des effets 3D.
The
art of computer game design : reflections of a master
game designer de Chris Crawford, Osborne / McGraw-Hill, 1984, 112 pages,
épuisé. Disponible gracieusement en ligne et en téléchargement ici.
2 commentaires:
L'url du lien vers le livre ne marche pas..
Merci pour votre vigilance. En fait Chris Crawford publiant la version électronique sur Kindle, il est contractuellement obligé de faire interdire les versions disponibles gratuitement en ligne.
Profitez donc rapidement de ce nouveau lien avant qu'il ne soit plus disponible.
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